Que Dieu t’évite d’être un jour en face d’un policier, d’un médecin ou d’un juge!

Ouled_ElHram2«Que Dieu te protège des personnes malfaisantes (Ouled El harem) et t’évite d’être un jour en face d’un policier, d’un médecin ou d’un juge». C’est en ces termes que ma mère, montagnarde de Kroumirie, formulait cette prière chaque fois que je quittais le foyer parental à des fins d’étude ou de voyage. Mon père, plus renfermé, se contentait de jeter derrière moi son couvre-chef, une chéchia noircie par la sueur, un rituel montagnard qui signifie «bonne chance mon fils».

Ma mère est décédée à l’âge de 82 ans et mon père à l’âge de 105 ans. Mes parents, qui n’ont jamais eu affaire ni à un médecin, ni à un gendarme, ni à un juge, ont vécu paisiblement à Douar Kraimia et n’ont jamais eu besoin de l’Etat et de ses fonctionnaires. Cela pour dire que le bonheur est possible sans l’Etat et ses resquilleurs.

Pour revenir à cette imploration de ma mère, au début je ne lui portais pas mon attention, mais au fil des années, ce vœu maternel me revenait à l’esprit chaque fois que des évènements douloureux générés par ces trois corps de métiers (policiers, gendarmes, médecins, juges) survenaient. Je ne manquais pas de saisir la pleine signification de cette sage directive, d’en faire une ligne de conduite et de la transmettre à mes enfants, neveux et petits-enfants.

Aujourd’hui, j’ai 64 ans. Sur le plan santé, je me porte bien. Je n’ai jamais eu affaire ni à la police, ni à la justice, ni aux médecins. Je touche du bois.

Ma mère avait raison

Si j’ai rappelé cette prière de ma mère c’est pour dire trois choses. Premièrement, si on a une bonne hygiène de vie dans son acception globale, on peut vivre décemment.

Deuxièmement, si on est bien éduqué, si on mange sainement et si on se comporte correctement dans la société, on ne risque rien et on n’aura pas besoin à la limite ni d’un policier-gendarme, ni d’un médecin cupide encore moins d’un juge corrompu.

Troisièmement, les scandales qui émaillent, ces jours-ci, ces corps de métier confirment la sagesse de la consigne salutaire de ma mère.

En effet, que peut-on attendre d’une police dont des membres utilisent du matériel roulant payé par le contribuable pour braquer un citoyen, fût-il un malfaiteur, et lui subtiliser 36.000 dinars?

Que peut-on attendre d’un juge opérant dans un pôle antiterrorisme qui tisse une relation intime avec une jeune fille impliquée dans des affaires terroristes?

Que peut-on attendre de médecins qui implantent à leurs malades des stents périmés et aient le culot de le justifier? Nos médecins sont réputés pour être de grandes compétences mais ils pèchent par le fait qu’ils n’ont aucune conscience professionnelle. Certains trahissent même le serment d’Hippocrate*. «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme», disait l’écrivain français Rabelais.

Bien évidemment, nous n’avons cité que les scandales les plus récents et surtout les plus visibles et les plus médiatisés. Car, les dérapages de ces trois corps de métiers –et bien d’autres- sont fort nombreux. Une enquête nationale menée en 2014 par le très sérieux Institut national des statistiques (INS) cite les secteurs de la sécurité, de la santé et de la justice parmi les secteurs les plus corrompus du pays.

Moralité: loin de moi toute tendance à discréditer ces corps de métiers, et loin de moi toute intention à ne plus les respecter, mais les policiers-gendarmes, médecins et juges doivent faire preuve de professionnalisme et de conscience et ne pas oublier qu’ils ont été formés par le contribuable et qu’ils sont payés par le contribuable. Ils sont tenus avant tout de servir et de bien servir. Rien d’autre…

Abou SARRA

* Le serment d’Hippocrate est un serment traditionnellement prêté par les médecins en Occident avant de commencer à exercer. Le texte original de ce serment, probablement rédigé au IVe siècle av. J.-C., appartient aux textes de la Collection hippocratique, traditionnellement attribués au médecin grec Hippocrate (d’après Wikipédia).