Tunisie : L’AMT émet des réserves sur le statut de l’autorité judiciaire

Au cours de la séance de dialogue national tenue dimanche, la présidente de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT), Raoudha Grafi, a émis des réserves sur le rapport de la commission des compromis relatif au chapitre du pouvoir judiciaire dans le projet de constitution.

Dans une déclaration à l’agence TAP, Grafi a indiqué que les réserves concernent la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) et le mode de désignation de cette instance. Ces réserves se rapportent également au Comité instituant le contrôle de constitutionnalité des lois. Grafi a pointé les atteintes aux garanties de l’indépendance du ministère public.

S’agissant du bilan des compromis autour de la composition du CSM, elle a précisé que la composition de ce conseil, telle qu’énoncée dans le projet de constitution, n’est pas conforme aux normes internationales et « ouvre la voie à la politisation de l’institution ». « Il est bien établi que si les CSM sont composés exclusivement de magistrats, ceux-ci doivent être élus.

Dans le cas contraire, ces conseils doivent comprendre une majorité de magistrats élus, ce qui n’est pas prévu par l’art. 109 du projet de constitution. Grafi a par ailleurs déploré l’attachement à l’appellation « Conseil Supérieur de la Magistrature », malgré l’accord sur la dénomination de cette institution « Conseil Supérieur de l’Autorité Judiciaire ».

Pour la présidente de l’AMT, il s’agit d’une contradiction manifeste avec les dispositions du chapitre relatif au pouvoir judiciaire et d’une atteinte aux garanties liées à l’indépendance de ce Conseil et à ses attributions.

Pour ce qui est des réserves relatives au Ministère public, Grafi a rappelé que l’art. 112 du projet de Constitution prévoit dans sa version initiale, que « le ministère public fait partie de la justice judiciaire et bénéficie des mêmes garanties prévues par la Constitution ». Et d’ajouter « les magistrats du ministère public exercent leurs fonctions dans le cadre de la politique pénale de l’Etat, conformément aux procédures fixées par la Loi».

Cette version, a-t-elle commenté, ne consacre pas explicitement l’indépendance du Ministère public vis-à-vis de l’Exécutif. Elle a noté que les compromis ont largement modifié le contenu de ce texte en prévoyant que les magistrats du Ministère public exercent leurs fonctions dans le cadre de « la politique pénale du gouvernement ».

Grafi a critiqué l’amalgame constaté entre les concepts d’Etat et de gouvernement. Les politiques générales ( y compris la politique pénale) de l’Etat sont fixées par le pouvoir législatif, a-t-elle relevé. Elle a précisé que « le gouvernement n’a pas de politique générale mais plutôt un programme qui doit, nécessairement, être en harmonie avec la politique générale de l’Etat ».

« Admettre que le Ministère public de l’Etat exécute la politique pénale du gouvernement, signifie que cette politique échappe au contrôle de l’autorité souveraine, à savoir le parlement et soit soumise au pouvoir exécutif », a-t-elle mis en garde. S’agissant du Comité instituant le contrôle de constitutionnalité des lois, la présidence de l’AMT s’est interrogée sur les raisons de la non attribution de cette compétence au tribunal administratif, comme ce fut le cas dans la constitution de 1959.