Tunisie : L’argent politique reste tabou après la révolution

Les partis politiques en Tunisie ne révèlent pas leurs sources de financement ni comment l’argent est dépensé lors des campagnes électorales. Constat formulé par les participants à une rencontre sur l’argent politique, organisée à l’initiative de l’Association tunisienne de lutte contre la corruption.

Ils ont pointé les lacunes contenues dans le dispositif législatif régissant la vie politique (décrets loi n°87 et 88 relatifs à l’organisation des partis politiques et des associations) et l’absence d’un cadre institutionnel pour le contrôle de l’argent politique. Pour le président de l’Association Ibrahim Missaoui, l’argent politique est resté un sujet tabou même après la révolution, malgré l’évolution du paysage politique et l’apparition de “phénomènes graves” pendant et après les élections du 23 octobre 2011.

Il a cité l’achat des voix et des consciences, le tourisme parlementaire et les assassinats politiques. Le représentant du ministère de la gouvernance et de la lutte contre la corruption Habib Koubaa a qualifié le financement politique des partis et associations de complexe, délicat et dangereux dans la mesure où il est étroitement lié à l’exercice du droit de voter et de se porter candidat.

Il s’agit, a-t-il noté, d’un des droits fondamentaux énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme. Le responsable a, par ailleurs, souligné le besoin de nouveaux mécanismes pour consacrer ces droits sans porter atteinte aux libertés.

Habib Koubaa a estimé que le travail de la Cour des comptes a été affaibli par le manque de moyens matériels et de ressources humaines ainsi que par l’absence de compétences spécialisées dans le contrôle de l’argent politique.

Il a appelé à une meilleure utilisation des nouvelles technologies de communication dans le domaine du contrôle de l’argent politique et au renforcement du rôle de la société civile dans ce sens. Pour sa part, Sofiène Ben Abid, expert-comptable, a précisé que trois structures sont concernées par le contrôle de l’argent politique des partis et des associations. Il s’agit du contrôleur des comptes, de la Cour des comptes et de l’Instance supérieure indépendante pour les élections.

Il a affirmé que le décret-loi sur les partis politiques ne garantit pas, suffisamment, l’autonomie du contrôleur des comptes. Il a, dans ce sens, recommandé la révision des textes juridiques et la création de structures nationales de contrôle de l’argent politique. De son côté, Naila Chaabane, membre de la Commission nationale de lutte contre la corruption, a insisté sur l’impératif, pour les partis politiques, de publier sur leurs sites officiels, leurs sources de financement.

Selon elle, aucun parti politique en Tunisie ne respecte les dispositions du décret-loi n°87. Ce texte qui prévoit le contrôle des sources de financement des partis et instaure les pénalités en cas d’infraction, n’est pas appliqué faute d’une volonté politique de lutter contre la corruption, a-t-elle déploré. Naila Chaabane a mis en évidence le rôle de la société civile, de la justice et des médias dans le contrôle de l’argent politique et le signalement des abus. Selon Me Abdeljaoued Harrazi, l’arsenal juridique en place est incapable d’assurer le contrôle de l’argent politique.

Il a précisé que la garantie de la transparence est liée à “la culture électorale” et à l’acceptation du principe de l’alternance pacifique au pouvoir.