Sortir de la domination (mise à jour)

Par : Autres

Le dilemme est le suivant : comment empêcher la défaite du modernisme tunisien face à des prosélytismes agressifs se fondant sur leurs «droits démocratiques»? D’abord, en renonçant à l’illusion d’éradiquer le religieux du paysage politique. Le tort du pouvoir moderniste, je l’ai dit, était d’avoir voulu régner sans débattre librement avec les non-modernes. Cela l’a affaibli, cela n’a pas marché. Le réformisme tunisien doit montrer, encore une fois, sa capacité de s’adapter à son époque et de comprendre son temps, comme il a toujours su le faire dans les moments cruciaux. La résurgence religieuse est un signe de notre temps, elle n’est pas une affaire du passé. Le réformisme tunisien doit démontrer son talent de confrontation et de débat avec les non-modernes. N’étant plus en position de pouvoir réprimer, le modernisme n’accepte pas davantage que la religion le réprime à son tour. Le destin de l’islam en démocratie (y compris en Europe) sera déterminé par l’issue de cette épreuve.
Ici, les modernistes ont peut-être un argument, qu’ils n’ont pas assez exploité selon moi. C’est que l’archaïsme de l’ancien régime, même sous des apparences civiles, non-religieuses, et sous l’habit moderne, en réalité n’était pas sans rapport avec l’obédience religieuse. La religion en Tunisie n’est pas uniquement facteur de résistance et de liberté. Elle a aussi nourri la domination et la représentation sacrée du pouvoir, et elle continue de le faire. La religion, ayant été partie prenante du sacré en politique, n’échappera donc pas elle non plus à sa désacralisation par la démocratie.
Ainsi, si le modernisme tunisien, trop confondu dans l’histoire avec le «pouvoir» où il s’est laissé enfermer, n’a pas su se doter d’une «autorité» au sens moral, c’est l’islam désormais, qui voulant reprendre le flambeau de cette autorité, risque d’incarner un pouvoir encore plus total si l’archaïsme s’inscrit dans sa lettre même. La volonté de Ennahdha de ne pas inscrire la Charia dans la Constitution a le mérite d’avoir compris la force irréversible de cette logique. Par sa rationalité, la décision du 26 mars 2012 doit être saluée comme un geste politique qui transgresse ses propres interdits, et qui prend place dans les grandes dates du réformisme tunisien dans l’histoire. La révolution a retrouvé le temps de la Réforme.
Grâce à la Révolution, nous avons découvert la faillite d’une modernité qui voudrait fonctionner sans démocratie. Il devient clair que la démocratie tunisienne ne pourra pas fonctionner sans modernité.
Hélé Béji
Forum du Magazine Marianne à l’occasion du cinquantenaire de la guerre d’Algérie – Marseille 30 mars 2012.

Droit de réponse à hélé Béji

Bonjour,

Dans l’article suivant, publié sur votre site, le 2 septembre :

http://directinfo.webmanagercenter.com/2013/09/02/sortir-de-la-domination/

L’écrivain Hélé Béji attaque violemment mon travail de journaliste en qualifiant mon article dans Marianne2.fr de “faux et outrancier“. Il va de soit que je n’ai aucun intérêt à inventer des déclarations polémiques sur la célèbre plume tunisienne. De même, je m’étonne que cette “certaine” Hélé Béji sorte de son silence pour attaquer mon travail, deux ans après les faits. Peut-être espérait-elle que l’eau coulant sous les ponts, elle pourrait me calomnier “parole contre parole”. Pour rétablir les faits, je tiens à la disposition de vos lecteurs un extrait de l’enregistrement de l’intervention d’Hélé Béji, le 31 mars 2012 à Marseille. Ils pourront se rendre compte des différences avec le texte que vous avez publié.

https://soundcloud.com/chic-2-1/h-l-b-ji-je-tire-mon-chapeau

Merci d’accorder une place similaire au droit de réponse d’Hélé Béji à ce texte. Vous trouverez avec ce mail, une image réalisée par mes soins au colloque “Marianne – Guerre d’Algérie 50 ans après” à Marseille, ce 31 mars 2012. Vous pouvez l’utiliser librement.

sortir-de-la-domination-tunisie-islamisme-

Bonne journée.