Le rapport de l’observatoire des libertés académiques 2012/2013 constate la persistance, deux ans après la révolution, d’un contexte général marqué par les débordements sécuritaires et la faiblesse des institutions de l’Etat, face aux agissements de groupes extrémistes qui cherchent à imposer un mode de pensée et de comportement excessif.
Depuis la rentrée jusqu’au mois de mars, 8 établissements universitaires ont été concernés par les atteintes touchant tantôt le corps enseignant, tantôt la direction et les étudiants.
Ces agitations ont conduit, dans certaines situations, à l’arrêt des cours. C’est le cas de la faculté de droit de Jendouba (septembre 2012), suite à un brouille entre l’Union générale tunisienne des étudiants et l’Union générale des étudiants tunisiens. A noter, aussi que, récemment, les cours ont été suspendus à l’Institut supérieur des sciences humaines de Tunis, pour éviter l’escalade des tensions entre les deux mouvements étudiants.
Mais l’aboutissement de ces conflits n’a pas été toujours favorable aux libertés académiques, constate le rapport présenté lors d’un atelier de réflexion organisé vendredi, par la Fédération générale de l’enseignement supérieur, dans le cadre du Forum mondial social ( FMS2013). A la faculté des sciences de Monastir le groupe d’étudiants qui a demandé en début d’année( novembre 2012) de réserver, dans le restaurant universitaire, un espace aux filles, a fini par obtenir gain de cause.
De même pour la conférence d’un Imam salafiste saoudien qui a eu lieu à la faculté de Kairouan malgré la désapprobation des étudiants et cadres scientifiques. Parmi les atteintes recensées dans ce rapport, figure le mandat d’amener délivré en février 2013 contre l’universitaire Raja Ben Slama pour « propos diffamatoire » à l’encontre de l’élu du mouvement Ennahdha à l’Assemblée nationale constituante Habib Khedher.
Il s’agit du deuxième procès du genre dans l’histoire de la Tunisie après l’affaire du doyen de la faculté de la Manouba Habib Kazhdagli, s’indignent les participants parmi, notamment, des représentants d’associations tunisiennes et d’universitaires tunisiens et étrangers.
Le rapport de l’observatoire constate que les atteintes commises se rapportent, pour l’essentiel à la liberté d’expression, d’opinion et de confession. Elles ont ciblé l’intégrité morale et physique de l’enseignant ainsi que la sécurité et l’autonomie de l’espace universitaire.
L’observatoire relève, également, la violation du droit d’exercer des activités culturelles et autres à l’intérieur de l’université. Les universitaires déplorent l’atermoiement des pouvoirs publics à réprimer ces agissements et la tendance à les banaliser. Le rapport fait ressortir l’urgence pour les pouvoirs publics de commencer, d’abord, par reconnaître les libertés académiques et de respecter les textes de loi et les engagements internationaux de la Tunisie. Il relève le besoin de mécanismes de protection de ces libertés. Présente à la rencontre, Raja Ben Slama qui se félicite de l’inscription des droits académiques dans le projet de constitution, trouve qu’il est aujourd’hui, indispensable d’instituer le droit de conscience.
Dans son témoignage, Habib Kazdaghli a soulevé les pressions qui s’exercent aujourd’hui sur les structures de gestion au sein de l’université tunisienne et qui mettent en cause son autonomie. Il a dénoncé « la connivence entre pouvoirs politiques et groupes extrémistes » ainsi que l’instrumentalisation de la justice. L’observatoire des libertés académiques relève du syndicat de l’enseignement supérieur (UGTT). Il a été créé en 2008 pour défendre les libertés et droits académiques et consacrer leur dimension universelle.