Comment contrer la guerre «wahhabite» contre les mausolées?

Par : Autres

Le plus tendre des laïcs y perdrait son latin ! Voilà que la gauche tunisienne et la majorité des partis non religieux du pays se mobilisent pour la défense du maraboutisme ! Bourguiba, en son temps de gloire, a bien essayé de se frotter à cette donnée culturelle du pays sans rien réussir malgré l’aura dont il était auréolé!mausolee-sidi-bousaid-tunis-tunisie

Cette mobilisation nouvelle vient après une vague sans précédent d’attaques contre les mausolées de plus de 35 marabouts à travers le pays dont le plus illustre est Sid Bou Saïd El Béji…!

Ce qui est nouveau dans ces attaques, c’est qu’elles sont notoirement le fait de cette nouvelle tendance qui est en train d’envahir la société tunisienne et qui s’apparente ouvertement au wahhabisme saoudien. Il faut reconnaître que les adeptes de Mohamed Abdelwahab, l’imam saoudien rigoriste qui s’est allié au début du siècle dernier à Al Saoud, n’y sont pas allés de main morte même dans les lieux saints de la Mecque et de Médine où ils se sont attaqués aux tombes des illustres compagnons du Prophète Mohamed pour combattre leur vénération qu’ils assimilaient à la mécréance!

La vague du rigorisme religieux qui envahit la Tunisie comme les autres pays arabes d’ailleurs, et qui était légèrement freinée par les régimes policiers sans vraiment pouvoir la contrer, est épaulée par une force financière gigantesque drainée par le piétisme et par d’autres soucis moins pieux et par une force médiatique qui s’appuient notoirement sur les chaînes satellitaires qui pullulent sur le Nilesat! Elle s’infiltre d’autant plus facilement que les personnes visées sont généralement d’une culture basique et sont naturellement perméables aux discours absolutistes que les Cheikhs harangueurs ne cessent de vociférer à longueur de prêches incendiaires.

Les réponses locales tardent à venir. En dehors de la dénonciation des partis non religieux, la gauche intellectuelle ne peut guère faire plus et déjà elle est critiquée de l’intérieur et de l’extérieur de ses rangs pour cette attitude. Nous n’avons pas d’autorité religieuse indépendante comme Al Azhar en Egypte dont la position peut avoir force de Fatwa, heureusement (ou malheureusement)!

D’autre part, le pouvoir entre les mains de la Troïka a laissé faire comme à son habitude pour des calculs électoraux et politiciens et comme il l’a fait pour le phénomène salafi sur un autre plan. Ennahdha est visiblement débordée sur son flanc droit par les salafismes dont cette frange qui s’attaquent aux marabouts et qui n’est qu’une partie de l’attaque frontale contre l’idéologie «frériste» (ikhwania, apparentée à l’école des frères Musulmans égyptiens) d’Ennahdha qui est dénoncée comme non puritaine par les différentes écoles salafistes!

On brandit souvent également la défense du modèle islamique tunisien réputé ashaari et malikite, donc assez modéré! On se rabat sur les fatwas des Cheikhs Tahar et Fadhel Ben Achour sur les marabouts et la tolérance de cette pratique qui nous vient de la prolifération des confréries soufis à certains moments de l’histoire sans pouvoir trouver évidemment une réponse assez moderne, religieusement philosophiquement assez défendable devant les arguments des wahhabites obtus! Les réponses viendront peut-être du bon peuple qui croient à ses marabouts et y trouvent refuge et intercession avec le Créateur!

Les salafistes labourent à fond et tous azimuts afin de semer le trouble dans les consciences et s’apprêtent, comme ils le font en politique, au «grand soir» qui a commencé pour eux au Nord du Mali depuis quelques mois!

Cependant, les pratiques religieuses de l’islam en Afrique du Nord se sont cumulées depuis des lustres et la société s’est développée en dehors du religieux dans l’espace profane de telle manière que se serait anormal qu’elle capitule sous les coups de boutoir des barbus comme l’a fait la société saoudienne du début du siècle!

Par Ali Chetoui