Tunisie – Fête du Mouled – Reportage : Un après-midi au mausolée Sidi Bou Saïd

Le mausolée de Sidi Bou Saïd était l’épicentre du village en ce jeudi 24 janvier 2013. Le mausolée était ré-ouvert aux nombreux visiteurs venus malgré la grisaille du ciel, le froid et la pluie. Plus bas, et à la mosquée Al-Ghofrane, Rached Ghannouchi est venu célébrer le Mouled.

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Au mausolée de Sidi Bou Saïd, ce n’est pas la foule des grands jours, mais presque. Pas moins d’une centaine de personnes sont regroupées dans le patio couvert qui fait face à la chambre qui accueille le tombeau du saint, qui a donné son nom au village de la banlieue nord de Tunis. Certains récitent une Fatiha, d’autres allument des bougies.

La chambre, divisée en trois espaces séparés par deux arcades, est largement visitée. Seul l’espace qui se trouve à l’extrême droite est interdit à la visite. Un gardien fait face à une barrière métallique qui empêche l’accès au tombeau recouvert d’un drap vert en satin.

L’espace est propre, mais il n’a pas encore retrouvé son charme d’antan. Ses murs gardent encore les traces de l’incendie “criminel“ qui a risqué de ravager les lieux un certain 12 janvier 2013. Les deux autres espaces ont retrouvé leur décor de stuc blanc. Des ouvriers ont travaillé jour et nuit.

Venu honorer son saint

Des matelas rangés dans un coin de la chambre sont là pour rappeler que le mausolée a repris vie. La veille en effet de nombreux habitants de Sidi Bou Saïd et de la banlieue nord de Tunis et bien d’au-delà sont venus assister à des chants religieux à l’occasion de la fête du Mouled.

Mohamed a été de la partie. Il est revenu ce jeudi 24 janvier 2013. Ni la grisaille du ciel, ni la vague de froid qui s’est saisie de la Tunis, ni encore la pluie n’a empêché ce Goulettois pur jus de venir deux jours de suite honorer son Saint.

«C’est du reste un devoir, rappelle-t-il. C’est depuis l’âge de six ans que je viens ici pratiquement tous les deux ou trois mois». Cinquante-huit ans et quelques poussières, universitaire spécialisé en sciences humaines, il a toujours eu un grand respect et une dévotion même pour cet érudit de grande qualité humaine, qui a protégé Tunis des invasions étrangères en venant habiter, au XIIIème siècle, une colline dans les environs de Tunis: Abou Saïd Khalaf Ibnou Yahya El-Tamimi El-Béji, alias Sidi Bou Saïd.

Un jeune homme tient un épervier dans la main

Pour lui ceux qui se sont attaqués à son mausolée ne connaissent rien à l’islam. «Ce sont des ignorants», s’insurge-t-il. Il tient toutefois à préciser qu’il n’accuse personne en particulier. «Vous savez avec la pagaille qui s’est installée dans le pays, ce n’est pas sûr que se soit ceux qu’on veut désigner comme coupables qui ont commis l’incendie», répète-t-il. Quant à l’histoire de la panne électrique, il n’y croit pas: «Il n’y a pas eu de panne depuis que l’électricité existe. Alors nous raconter cette histoire…?»

La rue Hédi Zarrouk, qui fait face au long escalier blanc qui conduit à l’esplanade qui s’ouvre sur le tombeau, est bien gardée. En amont et en aval. Des policiers, qui font la garde, se sont abrités sous un petit préau qui fait face à une grande porte en bois marron à droite de cet escalier.

Au bas de l’escalier, bonnet rouge et noir, veste en velours, la trentaine, un jeune homme tient un épervier dans la main. Il accoste un couple de Libyens, qui déguste un beignet au sucre (Bambalouni) qu’il vient d’acheter à 500 millimes dans la petite échoppe située au coin de la rue, pour leur présenter l’animal, «acquis en Libye». La rue débouche sur un autre escalier. Celui du fameux “Café des nattes“.

La présence policière est forte dans la rue qui descend jusqu’au rond point qui mène à La Marsa. Cars, fourgons ou encore simples voitures, les policiers se sont installés pratiquement partout. Une banderole aux couleurs du mouvement d’Ennahdah placée devant la mosquée Al-Ghofrane, tous lustres allumés, construite pas loin de ce rond point, souhaite la bienvenue au président du mouvement, Cheikh Rached Ghannouchi. Il est 15 heures, le Cheikh n’est pas encore venu. Pourtant, il y a autant de monde à l’intérieur de la mosquée que dans le café d’en face. Dans ce dernier, si certains s’adonnent, dans un grand brouhaha, aux jeux de cartes, d’autres se tiennent, sur le trottoir, debout face à la mosquée, protégée par une bâche de protection de couleur bleue.

Par Mohamed Farouk