Tunisie – Universités : Pourquoi l’UGTE (islamiste) a perdu les élections?

Trois raisons expliquent la victoire de l’UGET (Union Générales des Etudiants de Tunisie) face aux représentants de l’UGTE (Union Générale Tunisienne des Etudiants), satellite d’Ennahdha, épicentre du pouvoir.

Le raz-de-marée réalisé par l’UGET (Union Générale des Etudiants de Tunisie), lors des élections, le jeudi 15 mars 2012, des représentants des étudiants aux Conseils scientifiques des différents établissements d’enseignement supérieur (250 sur les 294 représentants élus) est-il significatif d’une tendance? En d’autres termes, l’échec de l’UGTE (Union Générale Tunisienne des Etudiants), un satellite du mouvement d’Ennahdah, épicentre du pouvoir depuis les élections du 23 octobre 2011?

Certains sont allés, sans doute, très vite en besogne prédisant une perte de crédit du mouvement Ennahdah qui est pour ainsi dire cuit. En fait, l’analyse de l’échec de l’UGTE doit être faite au moins à trois niveaux de réflexion.

Une organisation indépendante

D’abord, cet échec est celui de l’UGTE et non d’Ennahdah. Il s’est fait dans un cadre aux contours bien dessinés, celui de l’université. Et parmi une population, celle des étudiants. Ces deux évidences nous conduisent à dire qu’il s’agit là d’un micro-public à partir duquel il n’est pas possible de généraliser.

Cela est d’autant plausible que le mouvement Ennahdah ne recrute pas l’essentiel de ses troupes parmi les intellectuels mais –il s’agit là d’une tendance générale des mouvements islamistes- parmi la grande masse moins cultivée. Une étude sur le socio-style du parfait Nahdaoui montrerait sans doute que celui-ci se recruterait essentiellement dans le rang des traditionnalistes, de la classe moyenne ou de condition modeste, habitant des petites villes et les quartiers populaires et opérant dans le commerce et l’artisanat.

De plus, l’UGTE a trouvé en face d’elle non un mouvement impopulaire inféodé au gouvernement, mais une organisation indépendante qui a toujours combattu les pouvoirs et bourguibien et benalien. Toutes les tentatives allant dans ce sens ont du reste toujours échoué. L’UGET a été, ces dernières années, le fer de lance du combat syndical étudiant à l’université et ses militants, à l’instar des autres militants pour les Droits de l’Homme, ont toujours souffert des exactions –pour ne pas dire plus- des gouvernements depuis l’indépendance du pays.

Comptable de la gestion du pays

Deuxième niveau de l’analyse, les étudiants islamistes suscitaient la sympathie des étudiants lorsqu’ils étaient dans l’opposition et souffraient des affres du système. Mais maintenant qu’ils sont des sergents du pouvoir en place, c’est bien autre chose.

L’UGTE, qui ne cache pas son inféodation à Ennahdah, est, à ce titre, également comptable de la gestion du pays par ce dernier. Les étudiants, qui ont des familles mais aussi dont une partie vit à des kilomètres de chez elles, vivent une dégradation de leur quotidien. Cherté de la vie, difficulté à trouver un logement, à se nourrir, à se déplacer… il est difficile qu’ils ne se soient pas rendus compte que le gouvernement n’as pas fait bouger les lignes. Ne parlons pas des opportunités d’emplois. Pour beaucoup d’entre eux, la Révolution n’a pas apporté le mieux qu’ils espéraient.

Troisième niveau de l’analyse, la profanation du drapeau national comme la perturbation de la marche des cours dans certains établissements ont été très mal appréciés par des étudiants, dont la quasi majorité est venue pour décrocher rapidement un diplôme, refusant de voir l’université devenir un enjeu capable de barrer la route à cette ambition.

D’autant plus que le gouvernement ne semble pas réagir pour mettre fin aux dégâts. Le salafiste qui a outragé le drapeau national, le jeudi 8 mars 2012, court toujours. Ceux qui perturbent la marche des cours et qui squattent une partie des bâtiments de la Faculté des Lettres de La Manouba où le scandale est arrivé continuent à faire ce qu’ils veulent. Ils sont notamment les auteurs d’actes de violence.

Par Mohamed Farouk