Habib Bourguiba : Un Homme, une Histoire !

La réédition, quatorze ans plus tard, de « Bourguiba » par les Editions elyzad (Tunis) est salutaire à plus d’un titre dans la mesure où il n’y a aucune…mesure entre le Bâtisseur de la Tunisie et son successeur qui a traîné le pays dans le chaos.

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On ne compte plus le nombre d’ouvrages consacrés au premier président de la République tunisienne. Tant et si bien qu’on ne sait plus lequel a ouvert le bal. Nous nous tromperions sûrement si on se risquait à dire que le premier livre a probablement été écrit par André Pautard en 1977 chez les Editions Media et où l’auteur, grand reporter à l’Express en passant par Le Monde et France-Soir, déclare avoir eu de nombreux entretiens avec le Combattant suprême, ce qui lui avait permis, avec le concours de certains ministres de l’époque, de brosser le portrait du Raïs tunisien. Et sans compter aussi le nombre – au moins trois – d’ouvrages parus depuis un certain 14 janvier 2011. C’est que l’homme, hier comme – à plus forte raison – aujourd’hui, inspire, étonne, épate, séduit, dérange et révolte à la fois. Comme le dit fort bien Sophie Bessis dans la préface de cette réédition, ‘‘Le sujet Bourguiba est loin d’être épuisé’’.

Oui, mais le livre de Sophie Bessis et Souhayr Belhassen, dans sa première édition, est épuisé depuis longtemps déjà. Sorti en deux tomes en 1988 et 1989 pour le compte du groupe Jeune Afrique, l’ouvrage avait pour intitulés : « A la conquête d’un destin » et « Un si long règne ». Aujourd’hui regroupés en un seul volume aux atours tout sobres et beaux comme sait le faire elyzad, les deux tomes sont repris tels quels, sans ajout ni amputation, sinon une préface rendue nécessaire par la Révolution tunisienne de janvier 2011 dont Sophie Bessis dit « Belle victoire posthume pour l’homme que son tombeur fit enterrer à la sauvette tant il craignait que, même mort, sa stature ne lui fasse trop d’ombre ».

Et c’est justement cette stature-là qui impose en tout temps la redécouverte de l’homme que fut Habib Bourguiba. C’est que l’Homme s’est confondu avec l’Histoire de son pays. Il a fait la Tunisie, et la Tunisie lui était restée reconnaissante trois décennies entières, au point de le déclarer président à vie vers le milieu des années 1970. Est-ce à dire qu’il ne s’était jamais trompé ?… Oh que non !… Les auteures, les deux SB, ne l’ont point ménagé sur ce point-là, lui restituant à chaque fois ses erreurs, comme celle, impardonnable, de la guerre de Bizerte. Mais ce serait ingrat de ne voir chez l’homme qu’une poignée d’erreurs (qui ne se trompe jamais ?) en négligeant le combat qu’il avait mené pour une Tunisie libre, dotée d’un CSP moderne et avant-gardiste.

La première partie, intitulée donc A la conquête d’un destin, retrace l’enfance de Bourguiba, puis sa jeunesse (de Monastir à Tunis et jusqu’à Paris), la rencontre avec Mathilde, sa première femme, la revue « La voie du Tunisien » où il empruntait la plume du journaliste (années 1940), sa toute première rencontre avec une certaine Wassila Ben Ammar dont il éprouvera un véritable coup de foudre et qu’il épousera en avril 1962, puis l’autonomie interne de la Tunisie, l’indépendance et enfin la République qui viendra à bout du dernier bey.

La seconde partie, Un si long règne, est certainement la plus mouvementée puisqu’elle passe en revue les années de braise. Bizerte, le parti unique, du Néo-Destour au PSD, Bourguiba et la fronde syndicale (1964), ses maladies (à partir de 1967), le cas Ahmed Ben Salah, l’union avortée avec la Libye (1974), la présidence à vie, le Jeudi noir (26 janvier 1978), le bombardement, en 1985, du quartier général de l’OLP à Hammam-Chott, et, une cinquantaine de pages plus loin, l’arrivée du 5ème dauphin de Bourguiba, celui-là même qui prendra la fuite vers l’Arabie Saoudite le 14 janvier 2011.

Il est vrai que d’autres biographies ont été consacrées à Bourguiba, mais certaines, écrites du temps de son règne, étaient en quelque sorte officielles, c’est-à-dire passant sous silence le caractère parfois un peu dictatorial du Combattant suprême. Celle-ci brosse un portrait authentique, avec tout ce que la personnalité du Raïs offre de vertueux et de négatif. A certains égards, le travail de nos deux SB reste une référence unique.

Article publié sur wmc Culture

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