Ahmed Souab depuis sa cellule : « Je paie ma liberté pour mes convictions »

L’avocat et ancien magistrat administratif Ahmed Souab a adressé une lettre poignante depuis la prison de la Mornaguia, où il est incarcéré depuis plusieurs jours.

À travers ses mots, relayés par son avocat Me Samir Dilou, Souab réaffirme son engagement indéfectible pour les droits, les libertés et l’indépendance de la justice. Il y dénonce avec clarté ce qu’il qualifie de répression systématique contre les voix critiques et libres, dans un climat de diabolisation et d’amalgames injustifiés.

Alors qu’un second interrogatoire est prévu pour ce lundi 28 avril 2025, son comité de défense insiste sur l’absence de fondement juridique dans le dossier, affirmant que l’acte incriminé revêt une portée symbolique, sans appel à la violence ni transgression des lois.

Son état de santé est, selon ses avocats, stable, tout comme son moral. « Cette bataille est celle des droits, des libertés et de l’indépendance du pouvoir judiciaire », a affirmé Me Sami Ben Ghazi, appelant à un large soutien citoyen.

Voici la traduction intégrale de la lettre d’Ahmed Souab, publiée le 24 avril 2025 :


*« Ces mots ne visent ni à susciter la compassion, ni à renier mes positions, ni à justifier mes propos. Ceux qui me connaissent savent que j’ai toujours été ferme dans mes convictions et résolu à défendre les valeurs auxquelles j’ai consacré ma vie – et que je paie aujourd’hui au prix de ma liberté.

J’ai décrit, en toute connaissance de cause, l’état de la justice et les dérives qu’elle subit. Mais jamais je n’aurais imaginé que des appareils institutionnels puissent se mouvoir sous la pression d’une campagne de diabolisation orchestrée par une bande à peine alphabétisée, incapable de distinguer entre les outils de la rhétorique et ceux de l’agriculture, ni de faire la différence entre un discours descriptif explicite et un langage basé sur la métaphore, l’allégorie, l’ironie ou l’insinuation.

Un pouvoir qui a accaparé tous les leviers de décision a-t-il aussi le droit de choisir à notre place nos convictions, nos positions idéologiques, culturelles et politiques ? A-t-il le droit de désigner ses propres ‘terroristes’ selon ses caprices ?

Celui qui ne veut pas comprendre ne sera jamais convaincu, même par l’évidence. Celui qui cherche à exclure trouvera toujours des prétextes. Et celui qui est incapable de répondre à un argument ne lui reste que de s’en prendre à celui qui le porte.

J’ai toujours assumé mes positions et mes opinions avec courage et responsabilité. Jamais je n’ai appelé à la violence, ni incité à sa pratique, ni cherché à la justifier.

Toute ma gratitude à ceux qui ont pris la parole pour dire la vérité et dénoncer l’injustice et la diffamation dont j’ai été victime.

Merci aux dizaines d’avocats courageux présents à l’audience de mercredi, merci à la section de Tunis de l’Ordre des avocats, merci à l’UGTT – l’organisation du grand Farhat Hached –, merci aux ONG et aux derniers éclats d’un journalisme libre, merci aux supporters du Club Olympique du Stade Tunisien.

Vive la Tunisie !

Mornaguia, le 24 avril 2025. »*


Souab, figure respectée du monde judiciaire, semble bien décidé à ne rien renier de ses engagements, même derrière les barreaux. Sa lettre, empreinte de dignité et d’humour acéré, est un cri d’alerte face à la régression des libertés dans le pays.