Tunisie : Les magistrats mettent en garde contre toute atteinte portée au CSM

Le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Youssef Bouzakher, a critiqué les appels à la dissolution du CSM et les débats suscités autour de cet organe, notamment en cette conjoncture exceptionnelle.

“Je ne pense pas que le Conseil supérieur de la Magistrature représente un péril imminent. Si c’est la cas, il faut le déclarer ouvertement”, a-t-il dit, lundi, au cours d’une conférence sur le thème “Conseil supérieur de la Magistrature: les mécanismes de réforme”, organisée, à Tunis, par le Centre Al-Kawakibi pour les Transitions Démocratiques.

Bouzakher a rappelé que le président de la République, Kaïs Saïed, “n’a pas affirmé dans ses déclarations l’intention de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature comme le laissent entendre certains, soutenus en cela par des parties politiques ou académiques”.

L’activation de l’article 80 par le chef de l’Etat et la prise des mesures exceptionnelles ont été motivées par le péril imminent qui menace le pays en raison de la situation sanitaire et des conflits observés au parlement, a-t-il relevé.

Bouzakher a tenu à souligner qu’au cours de la dernière rencontre (6 décembre 2021) et celles qui ont précédées, le président de la République a exprimé un certaine vision concernant la restructuration, par le biais de décrets-loi, du conseil supérieur de la magistrature. Il considère que cet organe présente de nombreuses lacunes, parmi lesquelles l’intervention des politiques dans le champ judiciaire.

Selon Bouzakher, le rôle du CSM est mal interprété. “Le CSM a pour mission la gestion des parcours professionnels et de la carrière des magistrats, et non de se pencher sur les dossiers judiciaires”, a-t-il soutenu.

Il a, par ailleurs, affirmé que les membres du Conseil supérieur de la Magistrature sont ouverts à toutes les propositions de la société civile visant à apporter des réformes, “seulement on ne peut parler de réformes pendant une conjoncture exceptionnelle”.

Pour sa part, Saïda Chebbi, vice-présidente du conseil de l’ordre judiciaire, a souligné qu'”il n’est pas question de porter atteinte au Conseil supérieur de la magistrature, à l’indépendance de la justice ni d’exercer une pression sur les magistrats sous prétexte de lutter contre la corruption”.
En cas de fait de corruption, le président de la République devrait soumettre les dossiers à l’inspection générale relevant du ministère de la Justice, a-t-elle déclaré.

De son côté, Néjib Ktari, président du conseil de l’ordre financier, a indiqué que l’indépendance du pouvoir judiciaire est un acquis irréversible.

Il a, toutefois, estimé qu’une évaluation du rendement du Conseil supérieur de la Magistrature est nécessaire afin de répondre aux attentes.

Pour sa part, le vice-président du conseil de l’ordre administratif, Abdelkrim Rajeh, a évoqué un “quasi isolement du conseil de son environnement, notamment des structures professionnelles (avocats et magistrats) et de la société civile, soulignant la nécessité de pallier les lacunes et d’identifier des mécanismes de réforme”.

Quant à la magistrate Raoudha Karafi, elle a estimé que la dernière rencontre des membres du CSM avec le chef de l’Etat est “une ingérence dans les affaires judiciaires”.