Tunisie : Adnene Hajji craint le pire dans le Bassin minier

Face à la persistance du blocage de la production du phosphate et à l’incapacité des gouvernements, depuis 2011, à trouver des solutions, le député Adnene Hajji, figure de proue des émeutes du bassin minier en 2008, a mis en garde contre un scénario catastrophique qui pointe à l’horizon en raison du pourrissement de la situation.

Abou SARRA

Les Gafsiens risquent de s’entre-tuer

Selon lui, cette incapacité des gouvernements n’est pas fortuite, elle cacherait, au regard des faits, une stratégie pernicieuse visant à faire pourrir la situation et à pousser, au final, les Gafsiens au «brutalisme extrême»…

Toujours en vertu de ce scénario, «le gouvernement interviendrait ensuite comme “le sauveur“ pour pacifier la région », a-t-il dit

Invité, mardi 29 septembre, par la chaîne privée Al Janoubia, le député estime que la récente décision du gouvernement d’importer du phosphate constitue une preuve édifiante de la probabilité de ce scénario.

Pour lui, c’est un signal fort du projet maléfique de l’administration centrale de ne plus compter sur le phosphate de Gafsa et de pousser les Gafsiens à trouver une solution entre eux, fût-elle sanguinaire.

Le gouvernement Fakhfakh avait la solution

Il a ajouté que cette décision est intervenue à quelques semaines seulement après le départ du gouvernement Fakhfakh lequel était sur le point de trouver une solution radicale à la problématique du bassin minier.

Et de “révéler“ que Fakhfakh avait accepté, entre autres, le principe de faire bénéficier le bassin minier à des fins de développement de 20% -et même plus- des revenus de la production du phosphate.

Pour désamorcer la situation, Adnene Hajji propose au gouvernement Mechichi de faire des gestes à l’endroit des Gafsiens qui seraient sur le pied de guerre. Parmi ces gestes, il a cité en priorité celui de faire accéder la majorité des Gafsiens à la propriété des terrains sur lesquels ils ont construit leurs logements. Ces terrains seraient la priorité de la Compagnie de phosphate de Gafsa. «Il est inadmissible pour un Gafsien de ne pouvoir s’approprier un logement et disposer d’un titre bleu qu’en migrant à Tunis, Bizerte, Sousse, Sfax, Nabeul…».

Quid des revendications des Gafsiens ?

Interpellé par l’animateur de l’émission, Sophiène Ben Farhat, sur les revendications majeures de la communauté du bassin minier, le député en a évoqué cinq.

La première porte sur l’accélération de la construction d’un hôpital multidisciplinaire (250 lits) dont le financement est assuré à la faveur d’une conversion d’une partie de la dette française. Les études de faisabilité technico-économique ont démarré en juillet dernier.

La deuxième consisterait à faire profiter la population du bassin minier des ressources en eau potable disponibles dans la région et à alimenter les mines de phosphate par d’autres ressources non conventionnelles dont l’eau de mer dessalée.

La troisième concerne l’infrastructure. Il s’agit d’entamer la construction de l’autoroute Gafsa-Tunis, projet programmé depuis l’ère Ben Ali, et d’exploiter, même de manière irrégulière, l’aéroport de Gafsa, dans le transport charter des Tunisiens du sud du pays installés en France.

La quatrième a trait à l’enjeu d’appliquer les conventions conclues avec les gouvernements qui se sont relayés depuis 2011.

La cinquième invite le gouvernement et les experts du phosphate à engager une réflexion prospective sur le devenir du bassin minier, notamment en matière de diversification de l’activité économique axée actuellement sur la mono-industrie du phosphate.

Par-delà ces revendications, du reste raisonnables, Adnene Hajji s’insurge contre cette approche de l’administration centrale de faire bénéficier la communauté nationale des externalités positives des ressources régionales (exploitation du phosphate, marbre, gypse…) et de laisser les régions productrices subir, sans contrepartie, les externalités négatives de ces mêmes ressources : pollution, impact sur la santé avec la prolifération de la maladie du cancer dans le bassin minier.