Le long-métrage algérien “Abou Leila” est une véritable œuvre cinématographique, une toile rare et une lecture intellectuelle de la décennie noire dans un road movie plutôt impressionnant signé Amin Sidi-Boumediene.
Le jeune réalisateur livre aux Journées cinématographique de Carthage 2019 une oeuvre qui coupe avec la lecture habituelle d’un long chapitre de l’histoire de son pays dans les années 90 dont la terreur n’est pas prête à se faire oublier.
La première arabe et africaine du film s’est faite tard dans la soirée du mercredi devant un large public pour un voyage unique au cœur du Sahara et un monde habité par le néant. Un monde du Sud généreux et hostile que seuls les touaregs savent explorer et supporter les caprices. Une fiction en dialectal algérien et la langue des touaregs résident du Sud de l’Algérie.
Les acteurs Slimane Benouari (S), Lyes Salem (Lotfi), campent dans les rôles de deux jeunes hommes du quartier de Bab El Oued. Le duo complice malgré les différences parte à bord d’un 4×4 à la traque d’un terroriste au Sahara.
Au-delà d’un terrorisme imaginaire qui n’existe que dans l’esprit de ce jeune homme qualifié de fou dans son quartier, les amis d’enfance vont apprendre à se côtoyer dans leur quête du terroriste présumé Abou Leila. Lotfi qui va devoir protéger son ami de ses propres démences demeure un personnage aux intentions ambiguës entre flic et civil.
Le film est déroutant. Ce qui est évident, la démence du jeune homme lui fait vivre la traque d’un monde de terreur et de sentiments des plus paranoïaques qui hantent son esprit fragile.
Des images et des faits surréalistes et d’une violence extrême traversent l’écran dans une mise en scène exceptionnelle. La lecture des événements de l’histoire prend sa singularité dans cette capacité à pénétrer la profondeur de la psychologie humaine d’un personnage extrêmement traumatisé vivant un cauchemar sans fin.
En dehors du cadre du Sahara qui domine les 2h15, de nouvelles scènes et discussions entre personnages expliqueraient le traumatisme du personnage.
Un drame aux éléments narratifs assez maîtrisés qui transmettent cet état d’hallucination et de traumatisme. Dans un désert paisible épargné par la terreur terrorisme, les images d’un personnage couvert du sang des victimes le suivent depuis la Capitale.
Le réalisateur explore un monde faits de pensées et de psychologies à travers une fiction et des personnages qui ne peuvent exister que dans ce road movie.
La fiction serait une œuvre exceptionnelle à explorer comme un puzzle où l’image complète n’est visible que vers la fin. La première scène de tirs entre police et les rebelles armés est finalement la réponse qui réapparaît vers la fin du film.
Le monde de Sidi-Boumediene est une chimère à la conquête de l’abstrait et du philosophique dans un monde ouvert qui est loin d’être une lecture stéréotypées des événements de la décennie noire.
Le film s’ouvre sur une citation de Willam Blake, célèbre poète et peintre anglais, ” A présent le serpent rusé chemine, En douce humilité, Et l’homme juste s’impatiente dans les déserts
Où les lions rôdent “.
Une citation qui résume tout. Le film adopte la pensée d’un créateur qui dénonçait le dictateur des prêtes pour gouverner les masses. Une métaphore qui s’applique aux terroristes qui au nom de l’islam usent des mêmes pratiques du serpent rusé de Blake.