Nous avons beau essayer d’appliquer la loi, de la respecter et de nous soumettre aux règles du jeu démocratique, rien n’y fait !
Aujourd’hui, dans la Tunisie de l’après 14 janvier et après la chute d’un régime que l’on dit dictatorial, nombre de Tunisiens se sentent plus menacés que jamais, et un simple post sur un réseau social -même sans citer de nom- peut encourir une peine de prison !
Eh oui car tout est soumis au pouvoir discrétionnaire du juge d’instruction. Ainsi, l’article 86 du code des télécoms stipule qu’est passible d’une peine de prison pouvant atteindre les deux ans, et d’une amende entre 100 et mille dinars toute personne qui a osé calomnier ou déranger une autre personne sur les réseaux sociaux.
Il est évident que les interprétations dépendent du juge d’instruction et de sa capacité de juger en son âme et conscience sans préjugés et sans aucune influence venant d’ailleurs !
Une victime de la non application de la loi par la municipalité de l’Ariana a ainsi comparu vendredi 23 août devant le substitut du procureur de la République.
Cette citoyenne qui a osé dénoncer l’activité illégale d’un commerce à l’intérieur de la résidence où elle est résidente et propriétaire, victime d’une agression des clients d’un bar à crêpes sous le regard bienveillant du propriétaire qui n’est pas intervenu pour la défendre est aujourd’hui devenue une accusée et risque de payer cher sa dénonciation d’actes et de pratiques illégales. Et alors que sa plainte déposée le 24 juillet est restée lettre morte, celle du contrevenant a rapidement trouvé le chemin du tribunal et écho auprès de notre chère justice qui s’est rapidement démenée pour agir (sic) !
Le contrevenant, qui n’est autre que le propriétaire, a porté plainte contre elle pour publications sur les réseaux sociaux et plus précisément sur les pages de la municipalité et l’a attaqué pour préjudice moral. Du coup, il est devenu une victime et la vraie victime coupable. Que c’est beau la démocratie révolutionnaire ou la révolution démocratique !
La passivité de la municipalité devant l’application des lois a encouragé le fautif à agir comme détenant tous les droits et les citoyens respectables et respectueux se trouvent aujourd’hui confrontés à des procès : leur tort est de dénoncer l’impunité et l’illégalité.
Le parking de la résidence privée est devenu public, les clients affluent de partout, les familles amènent leurs enfants qui l’ont transformé en une aire de jeu alors qu’ils dégustent calmement leurs crêpes. Des tables et chaises sont installées en-dehors du local lui-même, c’est-à-dire dans l’enceinte de la résidence.
Des plaintes ont été déposées depuis deux ans auprès de la municipalité, signées par le syndicat de la résidence et sont restées lettres mortes.
Et cette malheureuse citoyenne a comme un crime affreux : celui de ne pas se soumettre au dictat des nouveaux maîtres de la Tunisie et d’agir pour dénoncer les dépassements et le délit de ce commerce.
Les véritables lanceurs d’alertes sont aujourd’hui menacés et ce commerce ouvert sans autorisation municipale, dans l’irrespect du cahier de charges de la résidence jouit de tous les droits ! Pourtant l’article 84 bis du code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme stipule que le changement de vocation sans autorisation préalable est passible d’une amende allant de mille à dix milles dinars avec fermeture du commerce après notification.
Dans ce cas précis, la plaignante risque la prison !
Etat de droit dites-vous ?
A.B.A