Peut-on se fier aux résultats des sondages ? d’autres sondages réalisés par d’autres cabinets convergent vers les résultats annoncés par le sondage de Sigma Conseil à propos des intentions de vote et qui mettent Nabil Karoui et son parti en tête avec 29% des voix des Tunisiens, suivi d’Ennahdha avec 15% et du PDL avec 12%.
Nabil Karoui, que la révision récente de la loi électorale devrait écarter si elle est signée par le président de la République, risque, lors de sa prochaine comparution vendredi prochain, la prison selon des rumeurs qui anticipent la sentence du juge d’instruction. Des comparutions contre lesquelles beaucoup de Tunisiens s’indignent car ils estiment qu’il s’agit plus de règlement de comptes entre rivaux politiques que de faire justice et de faire régner la loi.
Mais au fait, de quoi sont accusés les frères Karoui ? De délits de fraude fiscale et de blanchiment d’argent, si l’on en croit les informations publiées par les médias. Pour Me Ridha Belhaj, un des avocats des Karoui, les accusations dont ils seraient victimes ne sont pas prouvées et ne sont pas adossées sur des arguments juridiques solides. «On leur reproche des délits de fraude fiscale alors que la vérification fiscale n’est pas définitive, les résultats étant préliminaires, ce qui permet, en principe, au justiciable de demander de nouvelles expertises dans des délais raisonnables. Quant aux opérations de blanchiment d’argent, qui ne sait pas que les actionnaires de Nessma sont des sociétés étrangères dont Médiacom, l’Italienne ? Les éléments relevés dans le dossier des Karoui peuvent tous faire l’objet de discussions avec les services du ministère des Finances pour, en cas de preuves définitives de l’existence d’infractions, trouver des compromis qui ne lèsent pas l’Etat et qui n’incriminent pas Nabil Karoui dans des affaires pénales ».
Mais que les accusations portées sur les frères Karoui soient fondées ou pas, ce qui doit nous interpeller dans cette affaire est son timing qui a dévoyé tout un processus de moralisation de la vie publique depuis l’adoption de la loi portant révision du code électoral et jusqu’à l’activation des plaintes contre les frères Karoui. Pourquoi maintenant alors que les accusations portées à leur encontre dateraient de nombreuses années en arrière ?
Pourquoi une loi censée moraliser la vie publique est devenue aujourd’hui une sentence politique ? Qui gagnera au change ? Certainement pas ceux qui l’ont portée très haut. Ils seront même les premiers à perdre du terrain au profit d’un rival qu’ils vont «victimiser» à souhait ! Ils réussiront également à saper le peu de confiance des Tunisiens dans un système politique aux ordres depuis la Constitution de la deuxième «République» (sic) alors que le but d’une loi «pour la confiance dans la vie politique» est de remettre de l’ordre dans une vie publique qui part en vrille et où lobbys politiques et mafias se disputent les parts du gâteau Tunisie aux dépends de toute éthique ou règle morale.
Nabil Karoui n’est peut-être pas un exemple en matière de moralité, ce n’est pas un ange, mais c’est un self made man qui a su se construire depuis plus d’une vingtaine d’années un empire médiatique au Maghreb.
Youssef Chahed est-il derrière ce démarrage en 5ème vitesse de la justice pour acculer Nabil Karoui ? Comment savoir si c’est oui ou non lorsque le premier qui en payera les frais sera lui-même et son parti ? Comment en être sûr lorsque nous savons que le pouvoir judiciaire dans notre pays transcende tous les autres pouvoirs et que les seuls à être au-dessus de tout et de tous sont les magistrats ? Des magistrats auxquels la nouvelle constitution écrite par les « révolutionnaires » accorde une immunité indétrônable !
La justice tunisienne et nous tous en tant que citoyens en paieront aussi les frais s’il est avéré que Nabil Karoui est la victime d’une parodie judiciaire et que l’activation de toutes les mesures prises à son encontre vient du fait de sa percée dans les sondages. Soit la nouvelle mode revue et corrigée des dossiers incriminants dissimulés dans des tiroirs et sortant au grand jour juste lorsqu’un rival politique devient un véritable danger.
A qui profite le crime ? Certainement aux marionnettistes qui tirent les ficelles de derrière le rideau et lesquels à chaque décision risque pour leur popularité nationale et internationale se défilent en disant : «Nous ne sommes pas aux commandes, nous ne gouvernons pas».
Ils ignorent que personne n’est dupe de leur mainmise sur les arcanes du pouvoir et sur le pouvoir judiciaire.
Amel Belhadj Ali