Tunisie : L’Augmentation du seuil électoral ne fait pas l’unanimité au sein de l’ARP

Les députés de l’opposition au sein de l’ARP ont remis en question lundi l’amendement de la loi électorale qui prévoit l’augmentation du seuil électorale de 3 à 5 pc.

Ils estiment que l’amendement n’est qu’une manœuvre des ” grands ” partis au pouvoir pour imputer leur propre échec au système électoral.

Nizar Amami (Front Populaire) estime que les partis devraient prétendre au pouvoir, sur la base d’un vrai programme électoral et non à travers l’amendement de la loi électorale.

” L’augmentation du seuil électoral exclut de fait la diversité et le pluralisme au sein du parlement et dans le paysage partisan “.

Et d’ajouter que les grandes démocraties ont appliqué durant des années un seuil électorale raisonnable avant de le changer ” a déclaré Amami.

Pour sa part, Adnen Hajji (bloc Allégeance à la patrie) a estimé lui aussi que les partis au pouvoir imputent leur échec au système électoral.

” S’il n’y avait pas des groupes de l’opposition à l’hémicycle, on aurait eu aujourd’hui un parlement et un système politique consacrant un régime autoritaire au vrai sens du mot “, a-t-il ajouté.

Selon lui, l’amendement vise à exclure des composantes essentielles de la société, qui cherchent à prendre part à la décision politique.

Le député du bloc démocrate, Ghazi Chaouachi a fait observer que la révision de la loi électorale exige, logiquement, de revoir les financements des campagnes électorales et le contrôle de l’argent politique, en plus de la révision des prérogatives de l’Instance électorale et ceux de la Cour des comptes.

” La tentative d’amender uniquement le seuil électoral, à ce moment précis, est inacceptable d’un point de vue éthique et politique, surtout que la question a été abordée à quelques mois des élections ” a regretté Chaouachi qui déplore ” une volonté d’exclure les petits partis et consacrer un paysage politique en contradiction avec l’expérience démocratique tunisienne “.

Mariem Boujbal (Al Horra-Machrou Tounes) a, pour sa part, qualifié d’insensé le débat sur la loi électorale alors que l’installation de la Cour Constitutionnelle se fait toujours attendre.

” Le gouvernement veut enterrer une fois pour toutes le processus démocratique et torpiller le pluralisme “.

Selon la députée, ” L’augmentation du seuil électoral ne peut en aucun cas prévenir la corruption dans les rangs des députés “, a-t-elle ajouté.

Les députés en faveur de l’augmentation du seuil électoral ont quant à eux justifié leur position par le fait que cet amendement permettra de rationaliser le champ politique et de limiter la division et la fragmentation des partis et des blocs parlementaires au sein de l’ARP et ailleurs.

Hajer Ben Cheikh Ahmed (Coalition Nationale) a considéré que les partis qui exigent l’augmentation du seuil ” ne sont pas contre le pluralisme mais plutôt contre la division “.

La situation politique en 2011 a imposé le système électoral en vigueur comme étant le choix de plus approprié pour pallier au vide politique et rompre avec le parti unique. Le contexte aujourd’hui est différent, surtout que les partis politiques se sont restructurés et ont développé leurs méthodes de travail.

De fait, l’augmentation du seuil ne sera pas une catastrophe pour eux, estime-t-elle.

De son coté Kalthoum Badreddine (Ennahdha) a fait savoir que la proposition d’amendement de la loi électorale ne date pas d’aujourd’hui et qu’il s’agit là d’un impératif pour réaliser une certaine stabilité politique.

Elle a ajouté que certains professeurs de droit ont convenu que le système du seuil électoral n’est plus compatible avec la vie politique en Tunisie et que l’existence d’une majorité politique est nécessaire pour gouverner le pays.

La députée a précisé que son parti n’est pas allé dans le sens de cet impératif, mais qu’il soutient pour autant l’adoption du seuil de 5 pc lors des prochaines élections législatives. Selon elle, ce seuil est à même d’organiser et de restructurer les partis pour présenter une meilleur visibilité aux électeurs.