Brûler un feu rouge est devenu monnaie courante dans notre pays, sans parler de l’excès de vitesse, du non respect des règles de priorité, et à cela s’ajoute, hautes technologies obligent, l’usage des smartphones au volant. Il y en a même qui écrivent des sms et consultent leurs e-mails en conduisant. Ne négligeons pas par ailleurs la conduite en état d’ivresse et les nouveaux soldats tenant le volant après avoir usé de stupéfiants !
Une jeune mère de famille raconte : «J’étais avec mon mari et mon bébé sur le chemin du retour chez nous, une route à sens unique, lorsque nous avons été surpris par un conducteur roulant en sens inverse, si mon mari n’avait pas eu le réflexe de braquer la voiture à droite et de stopper net, il nous aurait sûrement rentré dedans. Le conducteur du véhicule avait arrêté sa voiture alors que les voitures s’arrêtaient les unes après les autres derrière nous puisque lui bloquait le passage. Nous croyions pouvoir discuter avec lui et lui expliquer qu’il n’était pas dans la bonne direction mais il avait les yeux hagards. Il ne nous voyait pas».
Une autre dame dont la voiture a été «bousillée» par un chauffard a reçu une gifle parce qu’elle exigeait qu’il signe le constat étant fautif. Désormais rien de plus naturel que d’amocher les voitures des autres et de s’enfuir ou de réagir par la violence.
Pareils exemples existent par milliers autant que les morts sur les routes depuis des années. Notre pays est tristement classé deuxième pays le plus meurtrier de la région du Maghreb, comme précisé par Mohamed Souleimen Ouannes*, auteur d’une étude réalisée par «The Center for Applied Policy Research» et publiée en 2016 à propos de la sécurité routière en Tunisie.
Il y affirme que les accidents de la circulation représentent aujourd’hui la cinquième cause de décès, soit 3,3% de l’ensemble des décès constatés. L’Observatoire national de la sécurité routière a annoncé 1.505 morts sur les routes tunisiennes en 2013. Le Conseil national de la sécurité routière a dénombré 7.654 accidents de la route entre 2013 et 2017, qui ont eu pour triste conséquence 1.458 morts et 11.644 blessés.
Cependant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les chiffres donnés ne sont pas les bons et que le nombre de victimes est beaucoup plus élevé que celui annoncé par les autorités en place. Durant ces dix dernières années, rappelle M. Ouannes, «on compte en moyenne une trentaine d’accidents par jour ; les routes tuent en moyenne 4 personnes par jour et nous notons environ quarante blessés graves et légers chaque jour. Ces chiffres sont de 50% supérieur à la moyenne européenne… Des mesures de sécurité routière s’avèrent nécessaires pour pallier ce problème. Comment peut-on savoir qui a commis la faute ? Autrement dit, si un piéton traverse une autoroute pour arriver de l’autre côté et qu’un accident est survenu, à qui la faute ? Comprendre les problèmes pour mieux agir».
Parmi les nouveaux éléments à prendre en compte, «la révolution et la conjoncture socio-économique, l’état psychologique des citoyens et la situation sécuritaire qui ont fait que le comportement des usagers de la route est devenu de plus en plus violent et anarchique. Ces derniers n’ont plus peur de commettre des infractions». Mais pas seulement, ils n’ont plus peur des représentants de l’ordre. Et c’est devenu monnaie courante que de voir un conducteur brûler un feu rouge, un stop ou emprunter un sens interdit devant un agent de circulation. Des agents devenus très compréhensifs depuis janvier 2011 comme si l’ouverture à la démocratie signifiait que tout était permis et en premier le mépris des lois et des vies d’autrui. Des agents qui eux-mêmes, au lieu de s’occuper d’assurer la fluidité de la circulation, sont pris par leurs téléphones portables ou se font la conversation gentiment, laissant aux feux qui désormais sont fréquemment hors d’usage «d’assumer» les charges de la circulation.
Tant que nous n’appliquons pas les lois de manière drastique, et que la culture du respect de soi-même et de l’autre n’existe pas, il y aura toujours des morts sur nos routes.
Les lois sont faites pour être respectées ! Si elles sont ignorées, et ce sont les individus qui les respectent qui en payent les frais car devenus une exception dans la Tunisie du chaos et de l’impunité. Et si parmi ceux-là mêmes qui sont chargés de veiller au respect des lois, beaucoup n’assurent pas, que devons-nous attendre et à qui pourrions-nous nous fier ?
A.B.A