Ziad Doueiri parle de la polémique autour de son long métrage de fiction “l’Insulte” nominé aux Oscars 2018

Là où il y a création, les accusations de ce que beaucoup qualifient de “terrorisme intellectuel”, viennent pointer du doigt, endosser et accuser de tous les maux des créateurs,- usant d’argumentations souvent fictives ou non fondées, se rapportant à des convictions religieuses ou idéologiques-, en alimentant de la sorte la polémique auprès de la masse parfois mal informée.

Dans la région arabe, du Machrek au Maghreb, des incidents ont à maintes reprises accompagné la sortie de films, livres ou pièces de théâtre, visant des personnes souvent accusées à tort, tel est le cas, il y a six ans, de la Tunisienne Nadia Feni pour son film “Ni Allah ni Maître”, ou encore le Marocain Nabil Ayouche pour son film “Much Loved”, présenté aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC) 2016.

Cette année, le même scénario s’est reproduit aux JCC, avec la projection du film “L’Insulte” du Franco-Libanais Ziad Doueiri, une fiction de 110 minutes, en compétition officielle des longs-métrages de fiction, projetée en avant-première le 8 novembre dernier.

Devant l’une des portes menant à la salle du cinéma Le Colisée, des manifestants essayaient d’intimider les organisateurs alors que la police assurait la sécurisation de ceux qui avaient choisi de ne pas céder. Le réalisateur et l’équipe de “L’Insulte”, -déjà nominé aux Oscars 2018, dans la section des longs-métrages de fiction étrangers-, les acteurs Adel Karam, Rita Hayek et Ghassen Bacha, avaient eu du mal à rejoindre la salle encerclée par les manifestants qui scandaient des propos hostiles au réalisateur l’accusant de “normalisation avec Israël”.

Dans une interview avec l’agence TAP, au lendemain de cette polémique, Doueiri était serein et parlait calmement d’accusations qui “arrivaient tout le temps”. Au sujet de la campagne menée contre lui dans son pays, le réalisateur parle “de fascisme de gauche”.

Le réalisateur a signalé que la campagne contre lui est menée par “Boycott, Divestment and Sanction” (BDS), un groupe de Boycott contre Israël, qui est en train de faire, selon ses propos “du pur terrorisme contre les idées libres, les cinéastes et les intellectuels comme Amine Maalouf, le plus grand écrivain Libanais, Wajdi Mouawad, un des plus grands scénaristes de théâtre, Carlos Ghosn, patron de Renault, la reine de beauté au Liban et plein d’autres”.

Ce n’est pas la première fois que le réalisateur est confronté à une pareille campagne d’accusation de normalisation avec Israël. La première fois était sur “L’attentat” (2012), une fiction basée sur le roman éponyme de l’écrivain algérien Yasmina Khadra, un best-seller paru en 2005 et où il présente l’histoire d’une femme d’origine palestinienne qui fait exploser une bombe qu’elle dissimule sous sa robe de grossesse, dans un restaurant de Tel-Aviv.

Cette adaptation cinématographie, qui a été interdite au Liban lui a valu des démêlées avec la justice de son pays. “Le fait que je suis allé tourner quelques scènes à Tel Aviv a suscité tout un débat de gens qui ont un petit peu perdu la tête”, dit-il, en m’accusant de normalisation avec Israël”.

Récemment, à son arrivée à Beyrouth, le réalisateur qui rentrait d’Italie après la récompense de son film “L’insulte”, à la Mostra de Venise, a été retenu à l’aéroport et s’est vu ses passeports, français et libanais, confisqués pour comparaitre le lendemain devant le tribunal militaire. Les médias libanais rapportaient que le réalisateur est accusé d’avoir violé les dispositions de l’article 285, du code pénal qui pénalise tout citoyen qui rentre sur le sol israélien en l’accusant de “normalisation avec l’Etat Hébreu” devant les tribunaux militaires.
Sauf que devant cette hostilité des avis adverses, la vision du créateur est totalement différente, disant avec certitude, “je n’ai aucun problème de rentrer dans le sol Israélien, moi je suis entré faire un film”.

Pour certains, son film “L’Insulte” a fait ressurgir un chapitre douloureux de la guerre civile au Liban mais Doueiri estime qu’au moment de l’écriture du scénario, avec la coscénariste Joelle Touma, il n’a “pas pensé à vouloir ouvrir les blessures du passé”, mais il s’est simplement “senti être devant une belle histoire sur deux personnes qui réclament chacune la justice de son côté, dans un film basé sur la dramaturgie de l’histoire et toutes les autres couches qui viennent avec”.

Doueiri s’est trouvé, a-t-il dit, confronté à des idées qui l’accusent d’avoir éveillé les tensions dues à cette douleur vécue par une grande partie de ses compatriotes Libanais aussi bien parmi les réfugiés palestiniens dans “un pays au passé très tourmenté”.

L’essentiel pour lui est de “raconter l’histoire d’un personnage Toni Hanna, qui à cause d’un événement dans le passé, vit avec le sentiment de n’avoir pas eu justice”. Partant de faits réels d’un événement ayant déjà eu lieu au Liban, Doueiri lance un message essentiel qui n’est pas de vouloir la réconciliation. Cependant, il rappelle qu’avec la fin de la guerre civile au Liban en 1990, “la page était si vite tournée, sans mea culpa ni négocialtions”. Au moment où certains réclament à nouveau la réconciliation, Doueiri estime que “des politiciens, n’en veulent pas, parce que la réconciliation solidifie le pays”.