JMC 2016 : Leçon d’Humanité dans un tourbillon d’énergie fort en émotions

“Découvertes, Rencontres, Partage et Révélations, sont les meilleurs Tanits qu’on peut remporter lors d’une manifestation de l’envergure des Journées musicales de Carthage”, a déclaré à l’agence tap, l’un des artistes du groupe Gangbé Brass Band, du Bénin, Prix spécial de la composition musicale et prix du Public des JMC 2016.

Venu pour la première fois en Tunisie, le groupe s’est montré plutôt ému de représenter l’Afrique dans cet événement qui a donné l’occasion de faire parler de l’Afrique dans le monde entier.

Les JMC ne sont pas uniquement des spectacles, a-t-il mentionné, “elles nous ont permis de découvrir le groupe sénégalais Sahad and The Nataal Patchwork qui nous a émerveillé et la jeune tunisienne Amal Chérif avec sa batterie acoustique”.

 L’Afrique salue le père Habib Bourguiba

Doublement primés, les musiciens du groupe béninois, venant chacun de traditions et de cultures différentes, réunis autour d’un seul mélange musical ont tenu à saluer la Tunisie “qui joue un grand rôle que le père Habib Bourguiba a laissé et dont nous sommes fiers de s’imprégner: il n’ya pas de développement sans culture” a t-il relevé.

La consécration du Bénin mais aussi du Sénégal prouvent que “l’Afrique dispose d’un potentiel culturel fort qu’il faut valoriser pour aller plus loin et les JMC sont un atout, pour dénicher des talents, mettre en place des idées, et ouvrir des perspectives” a-t-il ajouté.

Au beau milieu des sonorités du Burkina Faso avec “Farafina”, la cérémonie de clôture des JMC 2016 s’est dressée comme une véritable mosaïque où chants, danse, poésie et rythmes s’unissent en un tourbillon d’énergie fort en émotions.

 Une pensée de l’Afrique à la Palestine

En effet, le groupe musical burkinabé “Farafina” a donné le ton fort par sa musique et ses paroles touchantes : des messages qui appellent à la paix, à l’amour pluriel dans toute sa simplicité, et une pensée de l’Afrique à la Palestine” avance le chef de file du groupe Souleymane Sanou dit Mani.

Autour de ces clins d’oeil qui appellent au partage et à la coexistence, le Tanit d’Or des JMC 2016, le groupe sénégalais Sahad and the Nataal Patchwork l’a clairement mentionné: ce prix est une récompense pour tous les musiciens, pour tous les Etres humains car la musique est un univers singulier qui réunit toutes les cultures et races.

A travers un road movie musical, le désir d’aller vers une communauté en lutte pour son identité est l’idée de Nasreddine Chebli, Tanit de Bronze pour “Fellega”.

“Fellega est le fruit d’une rencontre avec des personnages abîmés et touchants, durant des semaines d’immersion au coeur des régions qui détiennent les secrets de vies des felleguas qui combattaient le colonialisme” a relevé l’artiste dans une déclaration à l’agence TAP.

Aujourd’hui, ce sont de nouveaux aventuriers invisibles des temps modernes qui se profilent. Seuls les visages ont changé. Mais l’objectif demeure le même : résister et s’engager à défendre l’identité.

 L’identité et les origines, une thématique qui revient différemment avec chaque artiste et chaque oeuvre

Connu dans le milieu artistique par Nasro, il précise que ce projet entamé depuis 2012 a puisé et fouillé autour de l’identité et des origines dans les percussions, les voix et l’art populaire, à Médenine, Béni Khdech, Gabes, Ennfidha, Sfax, Siliana…ces lieux qui préservent jalousement les secrets d’hier et d’aujourd’hui pour en trouver les clés:

défendre l’identité de notre patrimoine oral et les textes portant sur le même sujet: a expliqué Chebli, professeur de musique à l’institut de musique de Sfax (ISM). Jouant plusieurs styles de musique, il tente de dépasser le cercle vicieux d’un simple académicien, le percussionniste a mentionné que le prix est une récompense pour les efforts d’une équipe composée de 30 musiciens, cinq chorégraphes et acteurs outre le staff technique.

“Notre ambition est d’achever notre travail qui regroupe en fait environ 17 titres d’une durée de presque deux heures moins quart, dès lors que 90 pour cent de ce projet sont des nouvelles compositions sur des textes et musique ancestrale et des morceaux revisités” a-t-il mentionné.

Mettant en scène de façon envoûtante son propre engagement pour préserver les origines, Sabry Mosbah, Tanit d’Argent et gagnant des deux prix “Au fil des Voix” et “Tumex”, parle peu de son projet “Assly” (Nos origines): c’est un mélange de malouf, hadhra, mezoued et patrimoine bédouin entamé depuis 2015 et porté par l’ambition d’avancer pour plus de visibilité.

En effet, la cérémonie de clôture est un coup de projecteur sur des talents, des projets multiples dont “Ghodwa” de Amal Cherif, Prix de la meilleure interprétation (instrumentale ou vocale). Ses propos sont brefs et pertinents: “j’adresse un message d’espoir aux jeunes créateurs qui rêvent, tout est possible il faut juste foncer, Demain est meilleur” dit-elle en reprenant le nom de son projet.

Emue, Raoudha Ben Abdallah, Prix du meilleur concert ou meilleure œuvre musicale tunisienne pour son projet musical “Asrar” (Secrets) a brièvement lancé “je remercie toute l’équipe qui a sué dans ce travail” formant le voeu qu’Asrar retrouve sa voix dans la lignée des travaux entrepris par les aînés afin de forger notre identité si particulière.

Michel Marre: Un dialogue à trois avant d’aller à Sbeitla pour la fête des Bergers

Et pour clore ce coup de coeur de ce festival, le trompettiste français et membre du jury international des JMC 2016 Michel Marre a tenu à insister que la Tunisie dispose d’une très belle musique, regorge de très beaux orchestres. “Il faut juste quelques retouches pour sculpter le savoir-faire musical”.

Michel Marre qui se produit lundi soir à l’Acropolium de Carthage pour une soirée hommage à la mémoire de Hamadi Chérif, parle d’une histoire, d’une rencontre entre Imed Alibi aux percussions et Mounir Troudi au chant dans un dialogue à trois, une conversation musicale avec des histoires gigognes et différentes où on se rend compte quand on est dans la même atmosphère de musique” lance-t-il confiant.

En faisant le pas l’un vers l’autre, la rencontre est immédiate: la chanson soufie de Mounir correspond aux chansons du Moyen Age dans le sud de la France, à l’époque des Troubadours, des chansons d’amour et spirituelles, qui ressemblent étrangement aux chants soufis, aux chants tunisiens ancestraux et aux chants des bergers.

Comme tous les aventuriers qui bravent les risques pour valoriser les oubliés, il est essentiel “pour moi d’assister à la fête des bergers à Sbeitla du 22 au 24 avril 2016” a-t-il murmuré. Pour Michel Marre, véritable révélation des musiques africaines et du free jazz, c’est “juste une leçon d’Humanité”.