La guerre doit être déclarée contre la corruption tout autant que contre le terrorisme, ont affirmé plusieurs intervenants qui s’exprimaient lors d’une rencontre débat organisée jeudi à Tunis, à laquelle a pris part le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption.
“La corruption est désormais un fléau national qui risque de nous mener vers un Etat mafieux”, a averti Chawki Tabib, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, qui intervenait lors d’une rencontre sur le thème “La corruption en Tunisie: état des lieux et remèdes”, organisée par la Konrad Adenauer dans le cadre des rencontres du jeudi.
La lutte contre ce fléau nécessite “d’associer et de responsabiliser les citoyens et de déclarer la guerre contre la corruption qui nous a ramené le terrorisme”, a encore affirmé Tabib, qui a fait part de plusieurs urgences dont la mise en place d’un plan national de lutte contre la corruption, d’un arsenal juridique ainsi que l’implication de la société civile et des médias dans la lutte contre le terrorisme.
Cette situation vient confirmer les constats du rapport de transparency international qui indique pour l’indice de perception de la corruption, que la Tunisie a obtenu 38 points en 2015 sur une échelle de 0 à 100. Cette note lui a permis de se placer à la 76eme place parmi 168 pays, 8eme dans le monde arabe et première en nord afrique. En 2010, la Tunisie occupait la 59eme place parmi 177 pays, soit une régression de 17 places en 6 ans. « Cette régression est due principalement à l’instabilité socio-politique durant la période de transition démocratique », constate une note de présentation de la rencontre.
Ces mêmes constats sont confirmés par les résultats du sondage réalisé par l’agence sigma conseil sur un échantillon de 1005 personnes, hommes et femmes, durant trois jours (du 11 au 15 février 2016) par la méthode des interviews téléphoniques.
Selon ce sondage, les Tunisiens considèrent que les services des douanes et les partis politiques sont les domaines les plus infectés par la corruption affirmant que la corruption a augmenté après la révolution (78%).
Toutefois les résultats du sondage ont aussi montré une certaine dissonance puisque nous constatons à la fois une extension du phénomène de la corruption avec 27% des personnes interrogées qui affirment avoir été confrontées au moins trois fois à la corruption durant les 12 derniers mois.
“Le plus terrible c’est de constater une certaine forme de résignation puisque plus de 90% parmi ces personnes n’ont pas pensé à dénoncer cette situation étant eux-mêmes convaincus que les lois et l’Etat ne peuvent rien y changer”, a constaté Hassen Zargouni.
Ce constat est d’autant plus poignant que les résultats du sondage ont montré « une certaine forme de schizophrénie parmi les sondés » a constaté le ministre de la santé Said Aidi, qui assistait au débat. En fait, selon les résultats de l’enquête, les sondés tout en reconnaissant dans une grande majorité le recours à la corruption pour régler leurs affaires ils affirment toutefois que l’application stricte de la loi et le contrôle sont les moyens les plus adéquats pour lutter contre la corruption.
Plusieurs intervenants ont affirmé la nécessité de capitaliser les efforts déployés en Tunisie dans la lutte contre la corruption, citant en particulier le travail mené par feu Abdelfattah Omar. “Il est inadmissible qu’il n’y ait pas de suivi des conclusions contenues dans le rapport de la cour des comptes”, a aussi relevé Mohamed Ayedi, juge au tribunal administratif, qui souligne la poursuite d’une culture de l’impunité.
La question est d’autant plus importante que la transparence et la bonne gouvernance permettent de réaliser 4 points dans l’indice du développement, a pour sa part constaté Hichem Ajbouni, expert- comptable et membre du bureau exécutif du courant démocratique qui recommande de créer une police pour le contrôle fiscal et de créer une culture de la reddition des comptes.