Ce n’est pas pour semer la zizanie et le trouble que j’écris, ni pour nuire aux employés, j’écris simplement pour vous tenir à l’affût de ce qui se passe dans l’enceinte d’un établissement sanitaire connu en Tunisie, l’hôpital Charles Nicole…
Cet article aurait dû être publié depuis samedi 22 août, je m’étais dit que cela n’allait servir à rien à vrai dire, j’étais tellement écœurée que je ne croyais plus au changement, mais le choc subi par une amie après s’être rendue à l’hôpital m’a encouragée.
Ce samedi-là à 21h, comme honnête citoyenne et bonne petite fille, j’ai emmené en urgence ma grand-mère souffrante à l’hôpital Charles Nicole, et croyez-moi, j’ai failli regretter…
A peine arrivées à l’accueil, nous apercevons une foule de gens devant un guichet et on m’explique qu’il faut s’enregistrer pour pouvoir se faire soigner soit pénétrer à l’intérieur des salles de soins, et comme bonne citoyenne, j’obéis.
Avec beaucoup de difficultés, la malade (ma grand-mère) essaie de se tenir debout, et là après l’avoir enregistrée, la porte du Sésame s’ouvre enfin et on nous indique qu’on peut pénétrer à l’intérieur, bien sûr après avoir eu la bénédiction des deux portiers, munis chacun d’une sorte de batte de baseball et dépourvus de tout sourire ou d’expression rassurante sur le visage… Ce n’est rien et ce n’est que le début, le chemin est encore long devant nous pour décrocher la fameuse ordonnance et rentrer chez nous.
Après l’enregistrement, vous devez vous rendre à un autre bureau à l’intérieur où un monsieur vous demande “de quoi souffrez-vous?“, et vous oriente d’un geste de la main, cela semble logique; seulement, tout le monde est envoyé à la même salle -une salle que je ne saurai qualifier, car depuis, je n’ai pas su trouver les adjectifs adéquats : une salle de vente de poisson à la criée? Une tante de soins dans une terre en guerre? Ou tout simplement une écurie. Les mots sont durs je sais, mais c’est incomparable à ce que vous pouvez ressentir étant en position de faiblesse, soumis à l’humeur versatile de médecins, surbookés, trop sollicités et stressés qui ne savent plus où donner de la tête, qui n’hésitent pas à vous parler sur un ton autoritaire, qui vous regardent d’une façon qui laisse à désirer et qui vous semblent insensibles à toute douleur humaine, qu’elle soit physique ou morale.
Deux bureaux donc, et quatre médecins dans une salle pleine de malades, les plus chanceux sont assis sur des chaises trouvées ça et là et les autres, debout ou allongés à même le sol.
Des cris de douleur, des gémissements, du sang par terre, des aiguilles qui traînent, des disputes entre le corps médical et les malades. En d’autres termes, le décor idéal pour un film d’horreur.
On vous ausculte debout et on vous demande de faire des analyses, un infirmier furieux vient vous faire un prélèvement sanguin dans un coin, ensuite, vous devez laisser votre malade debout –s’il a assez de forces- et allez voir si le résultat des analyses est prêt, et c’est là qu’on vous annonce, le plus normalement du monde, que vous devez attendre deux heures et demie pour l’avoir. Non, ce n’est pas une blague.
Malédiction, une amie a eu la même mauvaise expérience hier soir en emmenant une voisine enceinte de 9 mois qui a eu un accident de moto avec son mari, renversés par un camion; ils ont survécu par miracle.
Arrivés à l’hôpital, ils ont eu droit au même traitement: enregistrement, attente, regards de haut, manque de personnel, désordre, etc. Tout cela en n’ayant aucune information claire sur le sort du bébé. Pire encore, on demande à la jeune femme épuisée et traumatisée de parcourir des kilomètres pour se rendre au service d’obstétrique et gynécologie, en marchant, puis une fois arrivés audit service, on interdit à sa famille se s’asseoir sur les sièges du service…
Je résume donc l’état des lieux:
- Manque d’effectif médical
- Mauvais accueil
- Manque de brancards
- Manque de chaises roulantes pour le transport des malades de service en service
- Manque d’organisation
- Ambulances garées dans le parking sans servir les malades
- Manque d’hygiène
- Absence de pharmacie (l’unique pharmacie se trouve à Bab Laassal).
Malheureusement, je ne vous parle pas d’un dispensaire caché dans un coin perdu mais de l’historique Charles Nicole l’un des hôpitaux les plus importants de la capitale, fondé en 1897, le fameux “hôpital civil français“, un hôpital qui se distingue par rapport aux autres par sa vocation de pionnier en Tunisie dans certaines spécialités dont le diagnostic virologique, les maladies congénitales et la néphrologie pédiatrique. Il fut jadis l’un des phares de la médecine en Tunisie.
Monsieur le ministre Saïd Aïd, je n’ai pas à vous dire ce que vous devez faire mais je pense que vous devriez prévoir un plan de crise pour sauver cet hôpital ou ce qui en reste…
Merci pour votre compréhension, j’ai confiance en votre bonne volonté et en votre savoir-faire et sais pertinemment que vous ferez le nécessaire.
Affaire à suivre…