L’esthétique sonore et stylistique du jazz est une nouvelle tendance dans la création musicale tunisienne.
Cette nouvelle sonorité de la musique tunisienne d’influence Jazz est portée par plusieurs artistes de renommée internationale dont Fawzi Chekili, Anouar Brahem, Dhafer Youssef qui sont «un exemple du rayonnement oudiste de compositeurs tunisiens avec une musique d’influence jazz», explique Mohamed Ali Kamoun, dans un entretien avec l’Agence TAP.
Parmi les célébrités de ce genre musical, on compte aussi Nabil Khemir, guitariste-luthiste, chanteur et compositeur, Mohamed Ali Kamoun, pianiste-compositeur et académicien et le guitariste-compositeur Hamza Zaremdini, membre de l’association «Jazz Club de Tunis».
Pour Nabil Khemir, la musique jazz apporte «une richesse d’harmonie et une liberté d’expression» à la musique tunisienne.
De son coté, Hamza Zaremdini trouve que la musique tunisienne et arabe est de manière générale « linéaire avec des règles un peu rigides. Le jazz lui offre la possibilité de s’ouvrir sur d’autres musiques», dit-il.
A partir de ce constat, Hamza explique qu’il aime «expérimenter» et faire sa «propre musique», en témoigne sa dernière œuvre «Neeqat», programmée dans la compétition officielle des JMC.
Pour Kammoun, le jazz est parti de l’Afrique, berceau des grandes cultures du rythme, vers l’Amérique où la musique Jazz est arrivée portée par les esclaves venus d’Afrique.
Chez nous Kamoun parle d’une influence par la musique jazz véhiculée par les nomades. Il n’est donc pas étrange si l’on apprend que l’écriture musicale est plutôt rattachée «à la mémoire tunisienne».
Le pianiste-compositeur voyage aisément sur plusieurs univers musicaux en mêlant des sonorités nord-africaines, orientales, jazz et de musiques occidentales classiques.
Chez Khemir, la composition musicale repose sur l’univers «des gammes orientales ou tunisiennes» pour aboutir à une musique jazz moderne. En témoigne, sa création, en 2004 du «Rayjam», un modèle guitare-luth qui lui a permis de s’approprier des deux univers musicaux occidental et oriental.
La présence de la musique jazz est visible dans ses albums produits depuis sa venue sur la scène internationale avec «Parfum d’Orient et d’Occident», «Rayjam», «Feen el hob», «Sidi Mansour», «Six spoons one kitchen», et «Nhebbek ya bledi».
Zaremdini ne déroge pas de la règle sauf que chez lui la composition musicale fait appel aux mélodies qui lui plaisent, notamment celles inspirées de la culture jazz, sans forcément penser à leurs origines. Sa première composition fut une version instrumentale jazz de la chanson «Baha bahri» (patrimoine local stambeli).
La question du brassage a souvent fait débat. Pour Khemir, fort d’une expérience unique, pense que le musicien doit prendre connaissance de « plusieurs styles et genres de musiques», dit il.
En parfait accord avec l’idée de brassage, Kamoun explique que toute authenticité est au départ « un brassage culturel, une sédimentation cognitive de plusieurs couches Esthétiques».
Faisant partie de ces artistes célèbres dans la sphère jazz, ce passage à l’international Khemir l’explique par l’absence d’une reconnaissance locale «ce qui nous a poussé à se chercher ailleurs», dit-il.
Sur ce point, Kamoun explique que la rédaction d’éléments esthétiques des maqams ou du jazz est faite pour affiner la communication entre partenaires musicaux de cultures différentes et pour faciliter sa réception par un public international.
En tant que compositeur travaillant sur «la complexité des maqams dans une harmonie contemporaine», Kamoun dit refuser «cette uniformisation qui permet de mieux vendre les recettes de fusion, appelée musiques du monde dominées par des clichés musicaux avec des parfums jazz».