Il faut féliciter, avec vigueur, le peuple tunisien ainsi que les acteurs politiques qui, malgré tous les pièges potentiels, ont pu négocier cette transition démocratique sans violence et dans le respect des institutions.
A la lumière des désastres égyptien, libyen, yéménite, irakien et syrien, c’était une gageure, un défi de taille. Il faut saluer cette collective victoire d’étape.
Rien n’est fini encore et la route est longue. La constitution du gouvernement et les premières décisions politiques nous diront si la Tunisie va de l’avant ou si d’anciens démons l’habitent encore. Trois questions majeures se posent : le nouveau gouvernement proposera-t-il une nouvelle politique transparente, au service du peuple, au-delà de la célébration d’un héritage symbolique avec ceux qui, amnésiques, se hâtent affirmer que l’ère de Bourguiba était “démocratique”? L’ensemble des forces politiques sauront-elles dépasser les polarisations stériles pour s’attaquer aux vrais problèmes de la réforme économique, de la justice sociale, de la lutte contre la corruption et de la défense des libertés civiles? Al-Nahda aura-t-elle les ressources intellectuelles et stratégiques de s’établir en opposition constructive qui apporte des réponses politiques et économiques concrètes au-delà de sa seule légitimité islamique (ou historique)?
La route est longue en effet, mais il demeure que nous devons saluer l’exception tunisienne et ce même si elle nous rappelle, dans sa joie, qu’ailleurs – tristement – il n’y a jamais eu de “printemps arabe”…
Déclaration de Tariq Ramadan (philosophe et islamologue suisse, d’origine égyptienne)