JCC 2014 – Khalo Matabane : Mandela, le symbole et la leçon

Khalo Matabane, réalisateur du documentaire “Mandela: the myth and me” qui a décroché la mention spéciale du jury dans la section Documentaire des Journées cinématographiques de Carthage 2014 (JCC), était à Tunis pour présenter son film aux cinéphiles.

Lors de sa présence aux JCC et avant d’aller à Londres où il devait prendre part à une conférence spéciale sur Mandela, Matabane a accordé une interview à la TAP où il parle de son film, du mythe Mandela, de l’Afrique du Sud, de l’apartheid et de sa conception du leadership dans un contexte post-révolutionnaire.

Ayant grandi dans un pays multilingue (11 langues) et multi-ethnique, Matabane dont la première langue est le sepedi, a vécu sous l’apartheid. Le film est une partie qui loge au fond de lui et sur tout ce qui se passait en Afrique du Sud. “Le film est un ensemble de souvenirs que je porte sur Mandela et ma propre vision à travers laquelle je cherche à comprendre les choix qu’il a fait”, explique le jeune réalisateur. D’ailleurs, “le documentaire porte sur les valeurs du pardon, de la réconciliation et de la liberté”, ajoute-t-il.

Pour lui, Mandela est une icône et un symbole. “Quand vous vivez sous l’apartheid, vous commencez à s’interroger sur le concept de la justice”, estime-t-il. La force de Mandela, a-t-il expliqué, repose sur cette valeur car “c’est difficile de concilier entre pardon et justice”.

D’après lui, Mandela, décédé le 5 décembre 2013, a beaucoup pardonné à ses bourreaux, mais la grande majorité des blancs sud-africains ne veulent pas, selon lui, admettre qu’ils ont tiré profit de l’apartheid. “Ils n’ont même pas le don de culpabilité”, Car pour lui, “la culpabilité est un don”. Dans n’importe quel pays du monde, dit-il, on ne sait pas quoi faire après une révolution. “Les leaders politiques ne sont pas prêts et les citoyens non plus”.

En effet, dans les sociétés post-révolutionnaires, “les gens sont déçus car leurs attentes sont toujours élevées” d’où une certaine “désillusion qui s’installe”. Pour cela, il estime qu’il est primordial de “réagir contre ses propres besoins car pour reconstruire un pays, il faut de nouvelles valeurs”, estime le réalisateur.

Ainsi, Matabane prend l’exemple du sud-africain Oliver Tambo, militant de la cause anti-apartheid ayant vécu à l’exil (Londres) pendant 30 ans, qui disait “l’ennemi c’est pas vous, l’ennemi c’est le système”.

“Nelson Mandela: the myth and me”, sorti il y a un an, a participé à une trentaine de festivals et a été diffusé sur Arte Monde, BBC ainsi que sur les chaînes de télé japonaise et danoise. Sa réalisation et son financement ont pris deux ans, dit Matabane.

Interrogé s’il aurait voulu que Mandela voit ce film, il répond “Pas forcément, parce que le film n’est pas sur Mandela. Certes, il est une icône mais je voulais surtout qu’il soit un message à tous les peuples qui ont vécu l’oppression et l’injustice pour saisir la leçon que leur a donné Mandela”.

Il se rappelle qu’au moment de commencer le tournage, il était inquiet de voir “le film prendre la forme d’un simple documentaire où on voit l’image clichée d’une Afrique pauvre et sale. Il a donc eu l’idée de filmer la scène d’un bébé dans une eau flottante à l’image de ce qu’il qualifie “révolutions flottantes”. Car, selon lui, “comme des bébés, toutes les révolutions se bataillent pour pouvoir s’accrocher afin de réaliser leurs espoirs”.