Le programme électoral du parti “Nidaa Tounes” sera le fil conducteur de l’action du nouveau gouvernement, durant les cinq prochaines années», a indiqué, à l’agence TAP, Mahmoud Ben Romdhane, économiste du parti.
Vainqueur des élections législatives du 26 octobre 2014, avec 86 sièges, Nidaa Tounes est appelé à former le prochain gouvernement et mettre en place un programme pour booster l’économie.
D’après M. Ben Romdhane, Nidaa Tounes a déjà commencé à préparer le terrain au travail gouvernemental, en lançant, depuis deux semaines, des rencontres avec l’UGTT et l’UTICA pour traiter les grands dossiers qui devront permettre de sortir le pays de la crise économique et sociale.
«Depuis le 14 novembre, des réunions tripartites avec les deux organisations syndicale et patronale se tiennent afin de définir les mesures d’urgence à adopter, par le prochain gouvernement, ainsi que les grands axes des politiques sectorielles et sociales».
Bien que n’ayons pas été élus avec une majorité écrasante et sommes dans l’obligation de coordonner notre programme avec nos prochains alliés dans le gouvernement, nous œuvrerons à mettre en application les grandes lignes de notre programme, dont la finalité est de protéger le tunisien des aléas économiques et notamment du chômage et de la pauvreté….. a souligné l’économiste.
Un taux de croissance de 6% est «tout à fait réalisable»
Répondant à une série de critiques émanant de l’ancien ministre des Finances, Houcine Dimassi, lequel a estimé que «le programme de Nidaa Tounes est équilibré et soutenu, mais fixe quelques objectifs irréalistes », M. Ben Romdhane a assuré que ledit document est «tout à fait réalisable».
Mettant l’accent sur le taux de croissance moyen promis par le parti, pour la période 2015-2019 et fixé à hauteur de 6%, M. Dimassi a souligné qu’il est «très ambitieux», rappelant que ce taux était de 4,5%, avant la révolution alors que la machine de production fonctionnait normalement.
Réagissant à ces remarques, M. Ben Romdhane a fait savoir que “le taux de croissance moyen réalisé, de 1956 à 2010, est de l’ordre de 5,2%, ce qui n’est pas loin de 6%”.
De plus, a-t-il ajouté, nous avons fixé un taux progressif passant de 4 à 5%, puis à 6% durant les 3 premières années (à partir de 2015), soit une moyenne de 5%, ce qui est facilement réalisable, assurant que «le potentiel de croissance de la Tunisie est de 8%».
Il a encore, précisé que “la croissance réalisée au cours de la décennie précédant la révolution, ne reflète pas la réalité de la croissance en Tunisie”, estimant qu’«avec l’absence de la démocratie, de la transparence et de la bonne gouvernance, nous perdions au moins 2 points de croissance chaque année, pendant la règne de Ben Ali».
D’après lui, cette croissance sera confortée par la hausse de taux d’épargne qui passera de 14% actuellement à une moyenne de 20%, durant les 5 prochaines années mais également, par la reprise de la machine de production et la mobilisation d’investissements considérables à hauteur de 125 milliards de dinars.
Un Sommet mondial pour l’investissement en juin 2015
«Ces investissements seront assurés en partie par le secteur public (40%) et le reste par le secteur privé qui englobe à la fois les investissements locaux et les investissements directs étrangers (IDE). En fait, nous prévoyons la mobilisation d’une enveloppe d’IDE de 30 milliards de dollars, au profit de la Tunisie, durant «le Sommet Mondial pour l’investissement», lequel sera organisé, en Tunisie durant le mois de juin 2015.
Par ailleurs et afin d’éviter la lenteur de réalisation des projets et assurer un véritable décollage de l’économie tunisienne, il a fait savoir que son parti envisage la modernisation de l’administration tunisienne, afin d’améliorer sa capacité d’absorption des investissements.
«Pour se faire, nous allons changer les mécanismes de fonctionnement, instaurer des cellules de contrôle, créer des task forces au sein de tous les ministères et prévoir des encouragements et des incitations pour les cadres compétents», a-t-il précisé.
Selon les estimations de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), le taux de croissance ne dépassera pas 2,4% en 2014 et 3% en 2015.
Au volet de l’appui aux PME et du développement régional, M. Dimassi s’est déclaré contre l’idée proposée par “Nidaa Tounes”, de créer une nouvelle banque dotée d’un budget annuel d’un milliard de dinars, vouée juste à ce rôle, car “la Tunisie compte un grand nombre de banques, alors que les prestations du système financier sont en-deçà des ambitions”.
Partant, il a recommandé de réserver plutôt, une part des activités des banques tunisiennes au financement des projets de développement régional et des PME.
Ne partageant pas cet avis, l’expert de Nidaa Tounes a fait savoir qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle création car cette banque naîtra du renforcement de l’activité de l’actuelle Banque de Financement des PME, qui sera dotée de nouveaux services.
«Il s’agit d’une banque régionale avec des task forces dans tous les gouvernorats du pays. Cette mesure permettra de centraliser tous les services de financement et d’accompagnement des jeunes promoteurs implantés dans les régions, en un seul espace, et ce, en concertation avec les structures d’appui telles que l’APII, la FIPA… . L’objectif étant d’assurer la pérennité des nouveaux projets, dont 80% disparaissent au bout de deux ans», a-t-il noté.
Et d’ajouter que “l’avantage de cette banque spécifique, est qu’elle offre des crédits aux jeunes entrepreneurs avec 0% intérêts et sans exiger des garanties hypothécaires. Elle sera l’outil fondamental pour la création de l’emploi, et par conséquent la création des richesses à l’échelle régionale”.
S’agissant du financement de la banque, il a expliqué qu’il nécessitera au démarrage de ses activités, une enveloppe variant de 200 à 300 millions de dinars (MD), laquelle sera générée notamment, par les économies faites sur les subventions énergétiques.
Le programme de Nidaa Tounes prévoit, à terme, l’octroi par cette banque, de crédits de l’ordre d’un milliard de dinars par an, grâce à l’option pour des crédits renouvelables (réutilisation des sommes d’argent remboursées au fur et à mesure, pour financer d’autres crédits).
Alléger le fardeau de la subvention
Pour ce qui est de la promesse faite par Nidaa Tounes relative à la réduction des dépenses de la subvention, jusqu’à 4 milliards de dinars, durant les cinq prochaines années, M. Dimassi a jugé que cet objectif est difficile à réaliser, puisqu’il suscitera de larges revendications sociales.
«Mais si le parti parvient à relever ce défi, les finances publiques regagneront leurs équilibres», a-t-il noté.
Sur ce point, le représentant de “Nidaa Tounes” a assuré que toutes les actions qui seront lancées par le prochain gouvernement seront faites en concertation avec toutes les parties prenantes, y compris l’UGTT, «ce qui va nous épargner, au maximum, des revendications et des protestations sociales».
En plus, a-t-il ajouté, la révision de la subvention à la baisse n’affectera pas le pouvoir d’achat du citoyen, dans la mesure ou elle concernera surtout les subventions énergétiques.
Pour ce qui est des subventions alimentaires, le parti a promis de veiller juste à limiter le gaspillage et le détournement de l’usage des produits subventionnés vers d’autres secteurs, notamment celui du tourisme et de la pâtisserie. L’objectif étant de gagner entre 200 et 300 MD par an.
«Pour ce qui est de la subvention orientée vers le secteur de l’énergie, qui coûte à l’Etat une enveloppe annuelle de 4000 MD, dont 70% bénéficient aux citoyens les plus riches, nous tablons sur l’abaissement du coût de la subvention de 4% du PIB actuellement, à 1% en 2019, soit un gain variant entre 500 et 700 MD par an», a-t-il révélé.
“La réduction de la subvention se fera d’une manière progressive et touchera surtout les gros consommateurs de l’énergie. Nous prévoyons aussi, une hausse des prix des hydrocarbures variant entre 100 et 150 millimes par an, au cours des cinq prochaines années», a encore dit M. Ben Romdhane.
En revanche, l’expert s’est déclaré «contre la subvention ciblée car elle est difficile à mettre en place et encourage en plus, la corruption».
Toutefois, a-t-il dit, nous proposerons d’augmenter la prime offerte aux familles nécessiteuses, «mais à condition d’engager des membres de ces familles, dans des travaux d’utilité publique. Notre objectif est d’ancrer la valeur du travail auprès de toutes les franges de la population, chacun suivant ses compétences et ses capacités».