Tunisie : Naissance “atrophiée” de l’instance Vérité et dignité

Des associations et réseaux travaillant sur le dossier de la justice transitionnelle en Tunisie ont fait porter aux trois présidences “l’entière responsabilité” de la naissance, à l’Assemblée nationale constituante, d’une instance Vérité et dignité “atrophiée et atteinte de malformation”.

Ils leur reprochent, également, les circonstances qui avaient entouré les travaux de la commission de sélection des candidatures à cette instance. Lors d’une conférence de presse destinée à faire la lumière sur “la position de la société civile vis-à-vis de l’instance Vérité et dignité”, un certain nombre de ces associations et réseaux ont menacé de “ne pas traiter avec l’instance actuelle tant que l’opération de sélection des dossiers de candidatures n’est pas refaite sur la base de la loi sur la justice transitionnelle après son amendement en fonction des exigences de la révolution”.

Ils ont, en outre, affirmé qu’ils poursuivront leurs mouvements aux plans intérieur et extérieur “pour soustraire la justice transitionnelle aux querelles et autres calculs politiques et partisans”.

Le président de la Coordination nationale indépendante de la justice transitionnelle, Amor Safraoui, s’est indigné des résultats des travaux de la commission de sélection, marquant en outre son étonnement de la composition de l’instance Vérité et dignité. Il a dit avoir “mis en garde, dès le début, contre le fait que la composition de l’instance résultait d’arrangements politiques et partisans étroits, à même de compromettre la crédibilité des délibérations de l’instance”.

Safraoui a, également, récusé certains membres de l’instance, sans les nommer, mettant en doute leur crédibilité, leur impartialité et leur indépendance. Il a formé le voeu, à ce propos, de voir le Tribunal administratif se montrer fidèle à sa jurisprudence en s’interposant contre ce qu’il appelle “les abus et dérives” de l’Assemblée nationale constituante et en faisant prévaloir l’intérêt général du pays.

Le Tribunal administratif avait été saisi, en effet, d’un certain nombre de recours contre la composition finale de l’Instance Vérité et dignité, rappelle-t-on. De son côté, Kamel Gharbi, du Réseau tunisien de la justice transitionnelle, s’est insurgé contre “l’exclusion systématique pratiquée par l’Assemblée nationale constituante à l’égard de la société civile”, l’accusant d’avoir “travaillé derrière des portes closes ce qui a fait que l’opération dans son ensemble soit opaque”.

Il a menacé de boycotter la cérémonie d’installation de l’instance Vérité et dignité, le 9 juin prochain, s’il n’est pas donné suite aux revendications de la société civile.

Quant à Karim Abdesselam, de l’association pour la justice et la réhabilitation, il a mis en garde contre les conséquences potentiellement graves des travaux de l’Instance Vérité et dignité qui aura à jauger un passé de plus de 60 ans, estimant qu’une quinzaine de membres n’ont pas la capacité de remplir cette mission sensible sans y associer la société civile.