Le vent des contestations, qui a soufflé sur la Tunisie le 14 janvier 2011, avait débarrassé la Tunisie d’un régime que tout le monde croyait indéboulonnable. Trois ans après, la vague des grèves et des protestations se poursuit.
Des sit-in et des rassemblements de protestation sont organisés, presque quotidiennement dans tous les domaines par des syndicalistes, des travailleurs et des chômeurs pour exprimer des revendications à caractère politique, économique et social.
Un bilan, publié dans les médias, fait état d’environ 2300 grèves en 2011, 1500 en 2012 et 1000 en 2013, avec une moyenne d’environ 145 blocages des routes par mois. Début 2014, des agriculteurs et des propriétaires de voitures et de camions, en colère, protestent dans plusieurs régions, contre le gouvernement à cause de nouvelles taxes imposées par la loi de finances 2014.
Déplorant « une mauvaise interprétation » des raisons ayant conduit à la mise en place de nouvelles redevances sur les véhicules, dans le cadre de cette loi, le chef du gouvernement provisoire, Ali Larayedh, a du annoncer la suspension des nouvelles redevances appliquées sur les moyens de transport agricole et des personnes, en attendant l’amendement de la loi de finances 2014.
Les magistrats entament, de leur côté, une grève générale de trois jours (7, 8 et 9 janvier) pour protester contre la dégradation de la situation dans ce corps, trois ans après la révolution.
A leur tour, les médecins observent une grève générale pour protester contre le blocage des négociations avec le ministère de tutelle sur des problèmes qui concernent le secteur de la santé publique notamment dans les zones intérieures.
Le parti au pouvoir, Ennahdha, avait exprimé, dans un communiqué, sa préoccupation face à ces mouvements de protestation et s’est déclaré compréhensif quant à leurs motifs, estimant toutefois que l’Etat devra avoir des ressources de financement et appelant le contribuable à financer le budget de l’Etat en payant ses impôts.
Des partis de l’opposition dont le Front populaire ont estimé que ces manifestations sont organisées pour exprimer des revendications légitimes qui n’ont pas été satisfaites par les gouvernements successifs. Pour le parti républicain, « les mesures arbitraires et partisanes engagées par le gouvernement ont été à l’origine de l’aggravation de la tension sociale ».
« Si le gouvernement avait démissionné il y quelques mois, a-t-il jugé, il aurait évité au pays la grogne dans les régions». Rien qu’au mois d’octobre dernier, 83 préavis de grève ont été déposés et 56 entreprises privées et publiques ont été touchées par les débrayages.
Un constat qui a amené le ministre des Finances Elyes Fakhfakh à mettre en garde, dans une conférence de presse le 8 janvier, contre le risque d’une reproduction en Tunisie d’un scénario grec. « Le droit de grève et de manifestation est reconnu à chaque salarié », a affirmé Hfaiedh Hfaiedh, membre du bureau exécutif de l’UGTT, regrettant « le laxisme du gouvernement dans l’application de certaines conventions, signées il y a plus d’un an, ce qui a provoqué la recrudescence de la colère sociale ».
Les années 2012 et 2013 ont été marquées par une situation économique difficile, avec un bilan chiffrant la perte à environ 100 mille emplois après la fermeture de plusieurs entreprises. « Le taux de croissance économique de 3,6 % en 2012 et 2013 était insuffisant parce qu’un point de croissance en Tunisie crée à peu près 15000 emplois alors que le pays fait face chaque année à environ 90000 nouvelles demandes d’emplois », a précisé Hamadi Labidi, économiste et universitaire.
Pour l’année 2014, ce taux devrait s’établir, selon le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) à 4% contre 3,7%c prévus par le FMI.
D’aucuns estiment, néanmoins, de bonne augure pour l’année qui s’amorce, l’avancement des processus gouvernemental et constituant concrétisé notamment par l’élection des membres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie II).
Ceci outre la désignation d’un nouveau chef de gouvernement appelé à former un cabinet restreint formé de compétences indépendantes pour gérer la période restante de la phase de transition et préparer l’organisation des prochaines élections.