Tunisie – Politique : La dernière salve des faucons d’Ennahdha

 En prévision de la formation d’un nouveau gouvernement, de l’adoption d’une nouvelle Constitution et de la fixation d’un délai pour les prochaines échéances électorales, les faucons d’Ennahdha, déçus de perdre leurs privilèges administratifs, s’emploient, depuis quelques semaines, à provoquer les Tunisiens en multipliant les initiatives et déclarations visant à instaurer un état théocratique.

Zoom sur ces dérapages.   

La plus récente déclaration a été celle du mufti de la République, Hamda Saïed. Reconverti au service du parti Ennahdha depuis la révolution, cet ancien collabo du dictateur déchu Ben Ali a affirmé, dimanche dernier à Sfax, son opposition à la séparation de la religion et de l’État, appelant à suivre le Prophète, qui était à la fois guide religieux et homme politique.

Il a plaidé devant un auditoire acquis à sa cause moyenâgeuse pour le système iranien dénommée «Wilayat-el faquih» (ou le gouvernement du docte), ce qui signifie que le théologien-juriste préside le gouvernement et contrôle sa gestion avec un droit de veto.

Moralité: ce mufti parachuté, qui avait déclaré dans un premier temps que le terrorisme a fait son apparition en Tunisie avec le Bourguibisme, nous prédit ainsi la pire des dictatures qui puisse exister dans le monde.

Vient ensuite, le salafiste Noureddine Khadmi, ministre des Affaires religieuses, qui avait refusé de commenter, à chaud, la (probable) capture par les Américains du terroriste Abou Iyadh, leader du mouvement salafiste djihadiste Ansar Chariaâ, mouvement que le gouvernement auquel il appartient avait classé mouvement terroriste.

Une attitude qui dit long sur l’ambivalence de ce ministre qui serait en plus en train de concocter, en catimini, dans ses laboratoires un projet de loi controversé sur les mosquées.

Interpellé sur ce projet de loi, évoqué le 11 décembre 2013,  par son conseiller Sadok Arfaoui, le ministre en a nié l’existence sous la forte pression de la société civile.

Selon les fuites, ce projet se propose de faire évoluer les mosquées du simple stade “d’espaces de prières“ en cadres où on peut y dispenser des cours sur la chariaâ (loi islamique) et d’autres de rattrapage scolaire.

Ce projet de loi provocateur a été interprété par la société civile comme une volonté de cacher des agissements suspects qui ont lieu dans les mosquées:

projet d’exploitation des mosquées à des fins propagandistes électoralistes, inculcation d’un enseignement «parallèle» non autorisé par la législation en vigueur, tendance à couvrir certaines personnes recherchées, dissimulation d’armes et autres produits prohibés…

Point d’orgue de cette loi:

elle projette d’interdire aux journalistes d’accéder aux mosquées et autres lieux de culte, sans autorisation préalable de son département, prétextant que ces lieux de cultes sont soumis à l’autorité de son ministère qui, comme tous les autres ministères, doit réglementer l’accès à ses «services» et le soumettre à autorisation préalable.

En fait, s’agissant des journalistes, il semble que le ministre craigne l’application du code de la presse, particulièrement de l’article 51 relevant du chapitre sur la responsabilité pénale que les imams prédicateurs ont toujours vu d’un mauvais œil. Ce dernier prévoit

une peine d’emprisonnement «pour toute personne qui incite à la discrimination, à la haine et à la violence, ou prépare des idées fondées sur la ségrégation raciale, l’extrémisme religieux ou sur les conflits régionaux et tribaux».

L’enjeu est de taille lorsqu’on sait que plusieurs d’entre eux sont devenus des spécialistes des appels aux meurtres et au Djihad sous toutes ses formes abjectes y compris celui du niqah.

D’ores et déjà, ils ont eu à faire entendre leur voix avant même l’adoption du code. Le 18 août 2011, sept associations d’imams de mosquées avaient publié un communiqué intitulé

«l’’islam en danger» et dans lequel ils estimaient que les affaires du culte ne sont pas du ressort du code et que l’article incriminé constitue un témoignage de l’islamophobie qui a prévalu, au temps de Ben Ali.

Habib Ellouze, toujours belliqueux

L’autre faucon nahdhaoui qui a créé, ces jours-ci, l’événement n’est autre que le député Habib Ellouze. Ce salafiste djihadiste,  qui avait appelé au djihad en Syrie, s’est permis de s’ériger «en Dieu» en proclamant tel bon musulman et tel autre mécréant.

Ce personnage belliqueux a eu le culot de qualifier, dans une interview accordée le 4 janvier 2014, à une radio locale, le député progressiste Mongi Rahoui «d’ennemi de l’Islam».

Ce   qualificatif signifie dans le langage codé des salafistes djihadistes une fatwa appelant à son assassinat, ce qui a été confirmé, 48 heures après la déclaration du député nahdhaoui.

Informés de cette menace, le ministère de l’Intérieur et la présidence ont dû intervenir, en urgence, pour fournir au député Rahoui et à sa famille une garde rapprochée.

Face au tollé provoqué par les agissements improductifs, en cette période transitoire, de ce provocateur récidiviste, les députés-colombes nahdhaouis ont dû, conformément à un subtil partage des rôles, non seulement se désolidariser de leur collègue, mais le sommer à présenter des excuses au député Mongi Rahoui. Mais c’était trop tard: le mal était déjà fait.

Au regard des réactions, cette capacité de nuisance de ces faucons qui n’ont jamais rendu aucun service à la Tunisie est devenue insupportable.

La seule manière de les mettre, de manière irrévocable, hors d’état de nuire, est de séparer l’Etat de la religion.

La Tunisie ne s’en portera que mieux. Pour preuve, tous les peuples qui ont opté pour cette séparation ont connu progrès, stabilité et prospérité, tandis que ceux qui ont choisi la voie opposée, comme c’est le cas du monde islamique lequel, piégé par l’éternelle revendication identitaire, figure toujours parmi les communautés les plus pauvres et les plus sous-développées du monde.

A bon entendeur.

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