La polémique suscitée par le « Livre noir » prouve que le recours de chaque institution à sa propre justice transitionnelle est contre l’intérêt du pays, a déclaré mardi à l’Agence TAP, le ministre des droits de l’homme et de la justice transitionnelle Samir Dilou.
Selon lui, le timing de la parution de l’ouvrage est « inapproprié », arguant que l’Assemblée nationale constituante était sur le point d’examiner un projet de loi consacré, justement, à la justice transitionnelle.
Le « livre noir » édité par la présidence de la République sous le titre « Le système de propagande sous Ben Ali », comporte des données sur le système de corruption et de censure ainsi que sur les noms des personnes qui auraient collaboré avec l’ancien régime afin de blanchir son image à l’étranger, parmi des journalistes, des avocats et des artistes.
Le livre vient brouiller la justice transitionnelle et perturber la quête de la vérité, a regretté le ministre. En cette phase de transition, les structures de l’Etat sont appelées à préserver les archives, non à les utiliser en dehors des cadres juridiques, ouvrant la voie aux accusations d’instrumentalisation politique et partisane, a-t-il dit. Le livre a suscité l’indignation des journalistes au même titre que les parties concernées par la justice transitionnelle.
Le président de la Ligue tunisienne pour les droits de l’homme Abdessatar Ben Moussa a exprimé la crainte que l’ouvrage ne soit à l’origine d’une vague d’assassinats visant les personnes qui y sont mentionnées. Ben Moussa s’est interrogé sur la crédibilité des sources du livre qui ne contient pas des preuves tangibles sur les faits relayés.
Le journaliste Slaheddine Jourchi, s’est dit étonné par la manière avec laquelle la présidence de la République a utilisé les archives de l’administration et des services de sécurité, plutôt que par les révélations contenues dans le livre. Le représentant de l’ordre national des avocats Boubaker Ben Thabet a fait observer que les prérogatives politiques et juridiques du président de la République ne l’habilitent pas à dévoiler des documents officiels.
La publication «inopportune» du livre soulèvera des questions d’ordre juridique et judiciaire, a-t-il noté. La publication du « livre noir » sans référence à un système cohérent régissant le traitement des archives et la reddition des comptes relève de la pure « absurdité politique », a déploré Mme Rachida Enneifer, membre de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA).
Elle a réitéré l’appel à confier l’ouverture des archives qui prouvent l’implication des journalistes à une instance nationale regroupant des compétences tunisiennes indépendantes spécialisées dans les archives.
Le Syndicat national des journalistes Tunisiens (SNJT), l’Association des jeunes journalistes et la Coalition civile pour la défense de la liberté d’expression (CCDLE) avaient condamné la publication du « livre noir » sans concertation avec les instances professionnelles, syndicales et légales concernées. Ils ont exprimé leur inquiétude de voir ce livre donner lieu à des règlements de compte. P-Mina