Tunisie : Le projet du nouveau code de l’investissement en point de mire

Le projet du nouveau code d’investissement, que le gouvernement provisoire a adopté mi-novembre, est loin de faire l’unanimité des associations et organisations professionnelles, lesquelles n’ont pas tardé à faire entendre leurs voix.

Au moment où le gouvernement semble miser sur le projet pour donner un coup de pouce à un investissement en berne, l’Union tunisienne générale du travail (UGTT), affirme que ce code « n’aura aucun effet en l’absence d’objectifs quantitatifs et qualitatifs du développement et de l’emploi pour les années à venir ».

Idem pour l’Association des Jeunes Experts Comptables de Tunisie (AJET) pour qui, les nouveautés de ce code sont « inutiles voir même dangereuses pour l’économie et la souveraineté nationale».

Contexte inadapté, absence de vision globale et injustice

Le projet du nouveau code a été approuvé par le conseil des ministres le 12 novembre et doit être adopté// par l’Assemblée nationale constituante (ANC) avant d’être publié dans le journal officiel de la République de Tunisie (JORT). Le gouvernement provisoire compte, en fait, sur ce code pour relancer l’investissement, toujours malmené par la dégradation des conditions de sécurité dans le pays (terrorisme et assassinats politiques) et une crise politique sans issue claire depuis plusieurs mois.

Dans une note sur le code, obtenue par l’agence TAP, l’UGTT a clairement invité le gouvernement à reporter l’adoption du nouveau texte jusqu’à l’achèvement de la constitution et l’élaboration d’un modèle de développement clair. La centrale syndicale a, également, appelé le gouvernement à s’atteler d’abord, à « assainir le climat des affaires, à rétablir la sécurité et à lutter contre la violence et le terrorisme».

Si l’UGTT a d’abord critiqué l’absence de changement réel par rapport à l’ancien code, l’AJET, a, de son coté, affirmé, que le texte proposé « ne constitue pas une réforme globale, harmonieuse (avec les autres chantiers de réforme), profonde et révolutionnaire du système d’incitation à l’investissement ». L’organisation syndicale a également épinglé, à travers la note, élaborée par son département d’étude et de documentation, l’injustice sociale que le nouveau code «consacre», estimant que «la politique d’incitation ne peut pas continuer à travers l’assujettissement des classes moyennes à plus d’impôts». Elle a, également, mis l’accent sur l’absence de nouveaux mécanismes d’encouragement de l’investissement et d’affectation d’avantages préférentiels aux investisseurs dans ce texte ce qui risque, selon elle, d’augmenter les fardeaux pour les salariés.

Le secteur informel, totalement omis dans le nouveau code

Quant à l’AJET, elle, a dans une analyse du projet remise à l’agence TAP, exprimé son refus de plusieurs dispositions du nouveau code, notamment celles permettant aux étrangers d’entrer dans le capital des sociétés propriétaires des terres agricoles, ainsi que celles relatives à l’application d’un taux d’impôt de 10% sur les exportations.

Elle a encore recommandé l’abandon de la mesure relative à la création d’un interlocuteur unique de l’investisseur, jugeant qu’elle pourrait poser des problèmes d’efficacité et de subjectivité dans le traitement des dossiers. Dans leurs commentaires, aussi bien la centrale syndicale que l’AJET ont mis l’accent sur la gravité de certaines clauses du code, en particulier celles relatives à l’appropriation des terres par des étrangers et le recours direct à l’arbitrage international, ce qui porte préjudice à la crédibilité du pouvoir judiciaire national et met en doute son indépendance.

Elles ont, en outre, souligné l’absence de dispositions à même de favoriser la lutte contre le secteur informel au moment où ce dernier «prend des proportions dangereuses pour l’économie nationale » selon l’AJET. L’UGTT estime, quant à elle, que le nouveau code tend à fusionner le secteur informel « dans le secteur structuré à travers les avantages fiscaux et l’importation ».

L’organisation syndicale a attiré l’attention sur le caractère dangereux de certaines dispositions, d’ordre social, telles que la possibilité de recruter un personnel d’encadrement étranger et appelé à le limiter à certaines spécialités. Quant aux avantages du nouveau code, l’UGTT ne mentionne dans la copie, parvenue à TAP, que ses réserves et critiques tandis que l’AJET estime que l’unique avantage réel du projet est la réduction des avantages accordés ce qui permet « théoriquement, d’augmenter les recettes fiscales ».