Tunisie : Djihad Annikah et mariage coutumier” phénomènes médiatiques ou réalité sans traces

Après la révolution du 14 janvier, deux sujets, jusque là méconnus dans la société tunisienne font l’actualité. Il s’agit du mariage coutumier et du Djihad Annikah. Le mariage coutumier communément appelé “Orfi” est le fait de vivre en couple sans signer un contrat de mariage et sans annoncer cette union aux gens.

Avec le déclenchement de la guerre en Syrie, un grand nombre de jeunes tunisiens sont partis au Djihad. Les médias affirment que des jeunes filles et des femmes, même mariées, ont été associées à ce combat.

Elles sont généralement abordées dans les mosquées afin de les convaincre de rejoindre la Syrie pour épouser des djihadistes et obtenir, ainsi, la bénédiction de dieu qui leur permettra d’entrer au paradis. “Qui aurait pu imaginer que la femme tunisienne réputée pour son niveau intellectuel élevé et son civisme puisse accepter une telle chose qui constitue une nette violation de ses droits et une atteinte à sa dignité”, s’exclame Lamia Ghorbel, directrice d’une entreprise. “En deux ans seulement, le paysage de la société tunisienne s’est métamorphosé.

Alors qu’on voyait à peine des filles et des femmes voilées, aujourd’hui on rencontre souvent des filles portant le niqab et des petites filles d’à peine cinq ou six ans voilées”, a-t-elle ajouté. Dans les médias et les réseaux sociaux, on parle beaucoup du mariage coutumier et le djihad annikah. En revanche, côté institutionnel, on ne trouve aucune preuve tangible.

Radhia Jerbi, présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT), a confié à la TAP, que la cellule d’écoute créée par l’union pour venir en aide aux jeunes filles ou femmes revenues de Syrie, n’a reçu aucun appel à ce sujet à l’exception d’un seul cas. Il s’agit d’un homme qui dit que sa femme a quitté le domicile conjugal sans raison apparente.

Reçu au bureau de l’agence TAP à Tunis, Kamel Gafsi, a souligné que sa femme l’a quitté alors qu’ils n’avaient aucun problème au sein du couple. “J’ai su, ensuite, qu’elle est entré en contact avec une dame qui l’a convaincue de partir en Libye en attendant de l’envoyer vers la Syrie”, a-t-il dit. M. Gafsi nous a révélé qu’il est même parti en Libye pour la retrouver et la ramener en Tunisie mais on ne lui a pas permis de la voir lui confirmant qu’elle partira dans les prochains jours vers la Syrie.

Il nous a, par ailleurs, révélé que le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice poursuivent l’enquête sur ce dossier, faisant savoir que la dame qui a convaincu sa femme de partir a été arrêtée par la police. Pour sa part, Imen Zahouani Houimel, directrice générale de la femme et de la famille au ministère des affaires de la femme et de la famille a affirmé qu’à ce jour et à l’exception du cas de M. Gafsi, le département n’a reçu aucune réclamation ni concernant le mariage coutumier ni concernant le dhijad annikah.

“Nous avons pourtant annoncé plusieurs fois que nous avons une cellule d’écoute à la disposition de toutes les femmes tunisiennes victimes de violence ou vivant dans n’importe quelle situation difficile”, a-t-elle précisé, ajoutant que le ministère assure pour ces femmes et leurs familles l’encadrement et l’assistance nécessaire médicale, psychologique et juridique.

“Toutefois, dans le cadre de la coordination régulière avec les départements ministériels concernés, nous savons que des enquêtes sont en cours au ministère de l’Intérieur mais rien n’a été encore prouvé”, a-t-elle affirmé, ajoutant qu’il est difficile de recueillir des témoignages et d’avoir des informations précises concernant ce sujet délicat. “Nous avons même visité certaines universités et cherché à contacter quelques filles, mais elles refusent de parler d’où d’ailleurs la difficulté de réaliser une étude sur ce dossier”, a-t-elle ajouté. Mme Houimel a souligné que “pour lutter contre ce genre de “phénomènes” étrangers à notre société connue par son ouverture et par la reconnaissance des droits de la femme, le ministère a actualisé et mis en œuvre la stratégie nationale de lutte contre la violence réalisée depuis 2008 de façon participative”.

Cette stratégie n’a pas été mise en œuvre sous l’ancien régime car il n’y avait pas de volonté politique pour traiter ce sujet considéré comme un tabou, a-t-elle expliqué. Elle a fait savoir que la stratégie repose sur quatre axes essentiels à savoir, la collecte d’informations et la réalisation d’une base de données, la création de nouveaux services adaptés aux femmes pour leur garantir le meilleur encadrement (ligne verte, centres d’accueil des femmes victimes de violence dont le premier sera ouvert d’ici la fin de l’année et la publication d’un manuel intersectoriel (de l’hôpital, au magistrat, poste de police…), le plaidoyer et la sensibilisation (organisation de campagnes de sensibilisation en collaboration avec les différents départements ministériels dans les établissements éducatifs, dans les mosquées et les universités) ainsi que le développement du cadre juridique à travers l’élaboration d’une loi-cadre sur la violence contre la femme.

La responsable a souligné également l’importance de sensibiliser les parents, car elle estime que la majorité des problèmes sociaux qui touchent les jeunes sont généralement dus à la démission de la famille et à l’inexistence d’un encadrement familial. Dans ce contexte, elle a annoncé le lancement d’une stratégie de communication et d’orientation pour les familles. “Des centres de communication et d’orientation pour les familles ouvriront leurs portes dans le cadre de cette stratégie en collaboration avec les associations”, a-t-elle annoncé.

Le premier centre sera bientôt opérationnel à la cité Ettadhamen. Un deuxième centre sera créé à Béja et dans d’autres régions du pays, a-t-elle fait savoir. A noter que le ministère de la formation professionnelle et de l’emploi a publié au cours de la semaine dernière un communiqué dans lequel il appelle les demandeurs d’emploi à ne pas se laisser influencer par les promesses d’emploi mensongères et illusoires.

“Cet appel intervient suite aux graves dépassements commis par certains de ces bureaux dont, notamment, le détournement de jeunes filles pour les entraîner dans la prostitution organisée, en plus de l’escroquerie”, indique le ministère.