Discussion avec un salafiste Djihadiste : «Notre guerre doit commencer en Tunisie, c’est notre destin…»

«Arrêtez de vous attaquer aux salafistes, ne les critiquez plus, ne vous acharnez plus sur eux, je vous promets qu’ils ne sont pas aussi dangereux que vous le pensez».

«Mais personne ne s’attaque aux salafistes, dans nos émissions, nous rendons tout simplement compte de ce qui se passe sur le terrain, personnellement j’essaie d’être aussi objective que possible. Cependant, il y a aussi certains faits que nous devons dénoncer, ce n’est pas contre les salafistes mais pour protéger le pays».

«De quel pays vous parlez, nous y avons assez souffert et il est grand temps pour nous de prendre notre revanche, maintenant c’est la guerre et pour de bon!»

«De quelle guerre vous parlez? Si vous voulez la faire, faites-la en Palestine, pourquoi ici dans votre pays? Pourquoi voulez-vous détruire la Tunisie, la vôtre et la nôtre?»

«Notre guerre doit commencer en Tunisie, nous n’avons pas le choix, c’est notre destin, il faut reconquérir la Tunisie. Et puis ce n’est pas notre pays, nous ne nous y sommes jamais sentis chez nous et elle ne nous a jamais rien donné».

Authentique !

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Cette conversation qui a eu lieu en ma présence entre un jeune salafiste, qui n’en a pourtant pas l’apparence, et une consœur lors de la manifestation du samedi 23 février, nous a fait prendre conscience de la fragilité intellectuelle et de la misère culturelle d’une partie de notre jeunesse sacrifiée sciemment -dans l’intérêt de qui?- à des prédateurs religieux au travers de chaînes satellitaires dédiées ou dans les mosquées. Nos mosquées, lieux de culte destinés dans leur essence à l’apprentissage de l’amour de Dieu et des autres, à l’enseignement des préceptes d’une religion dont le premier verset a commencé par le mot “Ikra3a“ (Lis, sans distinction de sexe ou de race) et à l’initiation aux valeurs humaines de justice, de respect, de tolérance et de liberté de pensée, sont devenues, par centaines, des lieux où l’on distille la haine de l’autre par petites et des fois par grandes gorgées…

Les mosquées, aux premiers temps de l’islam, temples du savoir, où l’on apprenait, dans des cercles consacrés, les sciences, les mathématiques, l’astronomie, le fikh (la science de la religion) et même la philosophie, ont été métamorphosées par la volonté de prêcheurs haineux, revanchards et surtout ignares en des enceintes de guerre! Leurs victimes? Ce sont des jeunes déboussolés, à l’instar de celui cité plus haut, à la recherche de repères identitaires et vivant une misère aussi bien morale que sociale.

A ces jeunes, auxquels on aurait dû inculquer l’amour du pays, le devoir envers la patrie, on enseigne le devoir du Djihad comme s’il s’agissait de partir de nouveau à la conquête de mécréants, de “koffars“, pour leur conversion à une nouvelle religion alors que le premier but est en fait la conquête du pouvoir.

Ceci est d’ailleurs conforté par les affirmations d’un certain Sylvain Besson dans un article paru en 2005 sur «Le développement d’un islamisme … produit d’une stratégie occulte et d’un plan délibéré de conquête du pouvoir… Suite à une découverte faite par des policiers suisses et italiens durant une perquisition menée près de Lugano, en novembre 2001, dans la villa d’un certain Youssef Nada, banquier égyptien… Les enquêteurs saisissent alors un document étonnant, demeuré secret depuis presque deux décennies et intitulé le “Projet”. Un texte stratégique dont l’ambition suprême est d’établir le règne de Dieu partout dans le monde».

Dieu n’est en réalité qu’un prétexte car le but est avant tout le pouvoir. «L’enquête criminelle ouverte contre Youssef Nada, dirigeant de la banque islamique Al-Taqwa de Lugano, a été classée en 2005. Mais le financier qui a démenti tout lien avec le terrorisme a reconnu avoir été durant des années l’un des principaux dirigeants de la branche internationale des Frères musulmans, l’un des plus importants groupes islamistes contemporains». L’Organisation des frères musulmans a depuis changé de nom devenant «l’Organisation des Oulémas Al Moslimins» dont Rached Ghannouchi est aujourd’hui le vice-président…

Faute de projeter, les jeunes dans le futur du pays, on les renvoie à l’époque du Djihad…

Quel rôle doivent jouer les jeunes générations pour aider le pays à se relever de nouveau? Quel est leur apport dans la société et comment les projeter dans un avenir où ils peuvent assurer et s’assumer aussi bien socialement qu’économiquement. Comment les convaincre de «vivre leur vie comme s’ils étaient éternels et leur éternité comme s’ils devaient mourir le lendemain»…? Faute de projeter les jeunes dans le futur du pays, de leur donner de l’espoir et de les aider à reprendre confiance en eux et en l’avenir, on les renvoie à l’époque du Djihad et on les encourage à mourir… Pour qui et pourquoi?

Nous aurions voulu voir des imams apprendre aux jeunes les valeurs de la citoyenneté, la culture du travail, l’amour de leurs prochains et les inciter à se poser des questions telles: comment voyez-vous votre pays dans une prochaine étape et quel rôle y envisagez-vous d’y jouer? Que comptez-vous offrir à votre pays pour qu’il avance?

La jeunesse est une force socio-économique et a fortiori une force politique. Pourquoi en faire des armes de destruction massive alors qu’elle doit assumer un rôle actif dans le changement de la société et dans le progrès et le développement du pays, elle qui représente l’avenir?

Pour qu’une démocratie fonctionne, pour qu’un pays avance, il y a fort besoin d’une jeunesse formée aux valeurs humaines universelles, informée, active, créative, imaginative, entreprenante, entrepreneuse, innovante et agissante.

J’ai beau chercher l’un de ces adjectifs dans la jeunesse formée aux écoles des nouveaux prêcheurs de la mort, je n’en trouve pas, le seul qui se répète est «djihadiste».

Quel dommage pour un pays qui n’a pour richesse que sa jeunesse et pour un gouvernement qui ferme délibérément les yeux sur ceux qu’on envoie à la mort sous prétexte de Djihad. Un gouvernement occupé à s’accaparer le pouvoir à tel point qu’il oublie qu’un jour ou l’autre, il paiera cher son laxisme et ses mauvais calculs, car le retour de manivelle n’en sera que plus percutant et c’est lui qui en sera la première victime… Le peuple, lui, entrera dans la case des dommages collatéraux.

Amel Belhadj Ali