Que s’est-il passé le 7 novembre 1987?

Vendredi 6 novembre: vers 13 heures 30, avant d’aller faire la sieste, Bourguiba confie à Saïda Sassi sa décision de nommer un nouveau Premier ministre dès la première heure du lendemain. La télévision sera invitée à enregistrer l’événement, précise-t-il.

L’information est immédiatement transmise à qui de droit. Sans perdre de temps, Ben Ali, qui est non seulement Premier ministre, mais aussi ministre de l’Intérieur, ne l’oublions pas, se rend Place d’Afrique et convoque son condisciple de Saint-Cyr, Habib Ammar, commandant de la Garde nationale. Ils s’isolent pendant tout le reste de l’après-midi et mettent au point un plan de destitution de Bourguiba. Vers 18 heures, chacun d’eux regagne son domicile. A 20 heures, ils se retrouvent au même ministère, après avoir pris chacun une collation, une douche et s’être armé d’un revolver pour pouvoir se suicider en cas d’échec. La suite est connue. On convoque le ministre de la Défense nationale, Slaheddine Baly, qui à son tour convoque les médecins devant signer d’un commun accord le document attestant l’inaptitude de Bourguiba à l’exercice du pouvoir. Le lendemain matin, vers 6 heures, Radio Tunis ouvre son journal pour une déclaration à la nation rédigée par Hédi Baccouche et lue par Hédi Triki.

A l’automne 1987, à Carthage, le pouvoir est à prendre. Certains y pensent déjà, au sein du régime bien sûr, mais aussi dans l’opposition, notamment parmi les islamistes, qui multiplient les démonstrations de force  dans le pays et sont, pour cette raison, la cible d’une dure répression. Mais, au matin du 7 novembre 1987, Ben Ali fait jouer l’article 57 de la Constitution tunisienne et, sur la foi d’un rapport médical signé par sept médecins attestant de l’incapacité du président Bourguiba d’assumer ses fonctions, dépose le vieux chef de l’Etat pour sénilité. Il devient, en tant que successeur constitutionnel, président et chef suprême des forces armées.

Dans sa déclaration faite à la radio nationale, Ben Ali annonce sa prise de pouvoir et déclare que  «l’époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie ni succession automatique à la tête de l’Etat desquels le peuple se trouve exclu. Notre peuple est digne d’une politique évoluée et institutionnalisée, fondée réellement sur le multipartisme et la pluralité des organisations de masse.»

Surpris, les Tunisiens n’en sont pas moins soulagés que le changement s’opère ainsi en douceur et dans la légalité constitutionnelle. S’ils regrettent tous la triste fin de règne de Bourguiba, la majorité, même parmi les opposants, donne crédit aux promesses d’ouverture démocratique du nouvel homme fort du pays. La confiance revient. Le pays reprend goût au travail. On parle d’un nouveau départ.

Extrait du livre “Ben Ali le Ripou” d’Aly Zmerli.

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