L’information vient de tomber et elle a vite fait le tour des rédactions. Le ministère de l’Intérieur a octroyé un visa à un parti salafiste qui s’appelle Front de la Réforme (ou Jabhat el Eslah, en arabe), devenant ainsi le premier parti politique d’obédience salafiste à être autorisé en Tunisie.
A savoir que ce parti n’avait pas réussi, du temps du précédent gouvernement provisoire de Béji Caïd Essebsi, à obtenir ledit visa, au motif que certains de ses fondateurs ont été jugés dans des affaires de sécurité, plus précisément les affaires dans lesquelles étaient poursuivis des membres du MTI (Mouvement de la tendance islamique), devenu depuis Ennahdha, à la fin des années 80.
Voilà donc peut-être le début d’une solution pour ces salafistes qui font l’actualité en Tunisie depuis les dernières élections. Ceci en supposant que ce parti puisse vraiment prétendre à leur représentation qui reste problématique à un très haut degré vu qu’ils ne sont pas d’accord sur les stratégies et sur l’activisme violent de certains d’entre eux qui va jusqu’à la prise d’arme comme le groupe de Bir Ali Ben Khalifa et Rouhia…
Il ne faut pas prendre à la légère cette légalisation qui pose peut-être plusieurs problèmes mais qui ouvre également la voie pour bien cantonner les salafistes dans leur carré selon ce qu’exige la loi sur les partis politiques en Tunisie.
Pour les problèmes, on en compte beaucoup… D’abord, cette légalisation engendrera immédiatement la protestation du Hezb Ettahrir qui a été écarté jusqu’ici, et il y aura d’antres protestations d’autres partis écartés, qu’ils soient salafistes ou islamistes ou autres. Alors, la longue liste des partis qui a dépassé le 120 se verra mise à jour pour aller encore plus loin… D’un point de vue juridique, cette légalisation d’un parti qui prône textuellement l’application de la Chariaa la plus «salafiste» possible est en contradiction avec les lois de la République et les normes d’une démocratie moderne basée sur l’alternance et tout ce qu’il y a de plus profane comme le choix des électeurs…
Cependant on peut toujours avancer que la légalisation permettra de mieux exposer les salafistes à l’application de la loi, et ainsi on espère qu’on ne verra plus des énergumènes barrer la route à un bus d’étudiants, ou exiger d’un exposant de retirer des livres qui ne leur plaisent pas, ou encore d’empêcher un activiste politique ou associatif de tenir un meeting … Cette légalisation empêchera peut-être enfin ce flot d’injures et d’appels au meurtre que nous entendons à bout de champ contre tout et contre tous…
En attendant de voir les militants du nouveau parti «le Front de la Réforme» s’exprimer … wait and see, comme disent les Anglophones…
Par Ali Laïdi Ben Mansour
Lire aussi:
Les Salafistes tunisiens: Sont-ils des moines soldats, des prédicateurs ou des politiciens professionnels?
Outrage au drapeau tunisien: 6 mois de prison pour Yassine Bdiri
Gabès : Les profanateurs de zaouïa Sidi Yaakoub arrêtés