Le projet de loi sur la réconciliation administrative a été finalement adopté à une large majorité mercredi soir par l’Assemblée des Représentants du Peuple lors de la séance plénière marquée toute la journée par une atmosphère très tendue.
Les députés de l’opposition (bloc du front populaire et le bloc démocratique) qui ont rejeté l’adoption de la loi ont entonné, durant la plénière, l’hymne national, scandé des slogans glorifiant les martyrs, et demandé des comptes à rendre aux coupables avant toute réconciliation.
L’ARP a adopté le projet de loi avec 117 voix pour, 9 voix contre et une seule abstention.
Des députés favorables au projet de loi ont critiqué ceux qui s’opposent à la loi de réconciliation administrative, les traitant de “meneurs de désordre qui n’acceptent pas l’opinion contraire”.
Le député Mohamed Troudi (Machrou Tounes) a estimé que le parti Harak Tounes et ceux qui le représentent au Parlement n’ont rien à voir avec la démocratie les accusant d’être derrière le “marasme du pays”. Selon lui, l’administration tunisienne a besoin de tous ses cadres, estimant “urgente une réconciliation administrative pour l’intérêt majeur de la Tunisie”.
Le député Mostapha Ben Ahmed (Bloc national) a affirmé aussi que la Tunisie a besoin de la réconciliation. Selon lui, il ne faut pas renoncer aux acquis de l’Etat dont le dialogue, les concertations et l’acceptation de l’opinion contraire, loin du désordre et des pratiques dictatoriales.
Le député Sofien Toubel (bloc Nidaa Tounes) a accusé “les représentants de la minorité” de vouloir détourner l’opinion publique et la priver d’un dialogue sur le projet de loi de manière à distraire l’intention des Tunisiens des objectifs réels de ce projet de loi”. Toubel a justifié l’initiative du président de la République par “la privation d’une partie du peuple Tunisien de son droit de réconciliation dans le cadre de la justice transitionnelle qui exclut le fonctionnaire public”.
Toubal a estimé que “l’opposition étant à court d’arguments pour débattre du projet de loi elle a usé de pratique anti-démocratique pour le rejeter”.
Pour le député Marouene Felfel (bloc Al Horra de Machrou Tounes), “la force de notre pays réside dans son unité nationale et le secret de la réussite est le débat constructif et rationnel loin des discours haineux et dénigrants”. Il a souligné à l’appui de sa thèse “le cout exorbitant de la non réconciliation payé par la Tunisie depuis des années et la baisse du rendement de l’administration depuis 2010”.
Le député Maher Mathioub (bloc Ennahadha) a fait remarquer que “la loi de réconciliation administrative est un pas sur la voie de la réconciliation totale entre les Tunisiens”, en contradiction avec sa collègue du même parti, Monia Ibrahim, qui a estimé que “l’ARP doit se mettre aux côtés du peuple qui veut des élections municipales et non une loi sur la réconciliation”, allant même jusqu’à la qualifier de “trahison de la volonté du peuple”.
Le bureau de l’ARP, réuni en urgence mercredi après-midi, a condamné l’ambiance électrique qui a marqué les débats sur le projet de loi dès la matinée. Il devait rendre public ultérieurement une déclaration à ce sujet, selon le porte-parole de l’Assemblée des représentants du peuple, Mongi Harbaoui.
Le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) Mohamed Ennaceur a été contraint, mercredi, de lever la séance plénière, après que plusieurs députés de l’opposition aient entravé le bon déroulement de la séance.
Les députés de l’opposition (blocs démocratique et du Front Populaire) ont, depuis le démarrage de la plénière, manifesté à maintes reprises leur attachement à l’avis consultatif préalable du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) pour faire passer ledit projet de loi.
Ils ont obtenu la suspension de la séance une première fois sur une demande du président du bloc du Front Populaire, Ahmed Seddik.
Après la reprise des travaux de la plénière, les députés de l’opposition se sont mis à scander en boucle l’hymne national et des slogans rejetant la réconciliation lors de la lecture du rapport de la commission de la législation générale, contraignant Ennaceur à suspendre une deuxième fois la séance.
Les débats sur le projet de loi ont été marqués par une grande polémique entre les différents blocs et la demande incessante de l’opposition d’attendre l’avis du CSM. De leur côté, les députés du mouvement Ennahdha se sont prononcés pour la discussion du projet, estimant que l’avis du CSM ne décide pas de la tenue ou non de la plénière.
Dans le même temps, les manifestants de la campagne contre le projet de loi “Je refuse le pardon” se sont massés devant le siège du parlement au Bardo depuis la matinée, scandant des slogans fustigeant la réconciliation et exigeant des actions en justice contre les corrompus. Des escarmouches se sont produites entre les manifestants et les forces de l’ordre.
Le député et président du bloc du FP, Ahmed Seddik, a déclaré que “l’agression des forces de sécurité contre des manifestants pacifiques devant le parlement est un précédent dangereux”
YOSR-V.JK