Polémique autour de Michel Boujenah : La culture n’a ni nationalité ni religion, elle est universelle!

«C’est lamentable» …«Nous lisons plein de livres, nous assistons à des spectacles, à des pièces de théâtre, nous regardons tout genre de films, nous recevons des artistes (comédiens, chanteurs, écrivains, sportifs), mais aussi des chercheurs que nous invitons des quatre coins du monde. Avons-nous jamais cherché à savoir à quelle confession religieuse appartenaient Céline Dion ou Jean Jacques Goldman, ou telle équipe africaine ou française? Nous sommes-nous jamais préoccupés de celui qui était croyant, athée ou mécréant, de celui qui était sioniste ou raciste, de celui qui compatissait avec qui, des origines?»

«Boujnah a dit des choses vraies et extraordinaires sur son pays, le pays de tous: la Tunisie et ces … sont incapables d’en dire autant, et pourtant ils sont là à parler du n’importe quoi, allez voir ailleurs! Assez de conneries, vous avez détruit l’économie, taisez-vous à jamais…». «Boujnah n’a pas cessé de promouvoir la Tunisie et c’est comme cela qu’on le récompense?»… «J’ai beaucoup de respect pour vous monsieur le ministre de la Culture mais si vous faites cette bêtise en acceptant la pression des … (UGTT et autres …) et vous annulez les spectacles de Boujnah, je serai le premier à vous attaquer pour atteinte à la liberté d’autrui. Celui qui ne veut pas de Boujnah peut s’abstenir de se déplacer à Carthage».

«Ils ont limogé le ministre de l’Education, ils se chargent à présent de celui de la Culture. C’est honteux»… «C’est du n’importe quoi, quelle que soit sa religion, c’est un Tunisien. Et en l’occurrence, la société civile est une minorité. Je crois que le ministère de la Culture, comme tous, ne veut pas se casser la tête…»… «Nous lui répondrons que la société civile autorise, encourage, et soutient le spectacle de Boujnah. Ou le ministre aurait-il une autre société civile?».

Un communiqué confus et maladroit…

Il s’agit là d’un petit éventail d’une longue liste de commentaires de facebookers avisés dont des activistes dans la société civile en réaction au communiqué publié ce matin (mercredi 5 juillet 2017) par le ministère des Affaires culturelles et dans lequel aucune prise de décision claire concernant la représentation du Tunisien Michel Boujnah qui doit avoir lieu mercredi 19 juillet au Théâtre romain de Carthage. Tout au contraire, on a voulu sciemment noyer le fond du problème dans un discours démagogique.

UGTT, trop c’est trop!

Un communiqué qui a exprimé une faiblesse manifeste de la part des décideurs face aux débordements incessants de l’UGTT et à son interventionnisme par trop manifeste dans toutes les sphères de la vie publique en Tunisie, à commencer par l’économie -où elle fait, à tort ou à raison, la pluie et le beau temps-, en passant par la politique, puis la culture aujourd’hui.

Que l’UGTT ait pris position sous la pression de certains nationalistes arabes, dépassés complètement par les changements opérés dans la sphère géopolitique régionale, nous voudrions bien l’admettre. Que des personnes aveuglées tellement par les dogmes qu’elles ne se rendent pas compte la nuisance qu’elles causent à l’image de la Tunisie à l’international, c’est à la limite attendu au vue de l’engagement systématique et inconditionnel de la centrale en faveur de la Palestine, ce qui est d’ailleurs le cas de la plupart des Tunisiens. Ils oublient toutefois qu’ils risquent de porter un coup fatal au marché touristique qui commence à peine à se remettre à partir de la France.

Où était l’UGTT lors de la Constituante…?

Le communiqué ambigu du ministère de la Culture est aussi nuisible à notre image. Un ministère qui n’a pas opposé un niet définitif même s’il doit y mettre les formes à la demande de l’UGTT. Une UGTT qui a largement dépassé ses prérogatives et qui n’a pas à décider de qui doit venir en Tunisie dans le cadre du Festival de Carthage ou pas! Michel Boujnah est Tunisien indépendamment parlant de sa religion. Sa défense passionnée de la Tunisie en France en fait l’avocat numéro 1 pour notre pays. Rappelons que l’UGTT n’a pas exigé que les députés de la Constituante qui avaient refusé d’adopter l’article condamnant la normalisation des relations avec Israël soient expulsés du pays (sic).

Et si on retirait le prix Nobel à l’UGTT?

La posture de l’UGTT n’a pas été sans susciter le gourou des Tunes dont Ely Trabelsi qui a déclaré : «J’ai eu un échange téléphonique avec Michel Boujnah hier soir et il m’a assuré que son amour de la Tunisie est plus fort que cette campagne de dénigrement à son encontre. En ce qui me concerne, je me battrais pour que le prix Nobel accordé à l’UGTT lui soit retiré car cette organisation ne me représente plus et il n’est pas question d’attaquer les juifs sous prétexte du ressentiment et du rejet du sionisme».

Va-t-on bafouer les principes sacrés de la Constitution?

La liberté de conscience, celle de religion, et la suprématie de l’appartenance à la Tunisie sur tout le reste sont des principes sacrés par notre Constitution. Qu’on ait creusé dans le passé de Michel Boujnah pour voir s’il est pro-sioniste ou pas, cela s’appelle chercher la petite bête à un juif tunisien. Auparavant, nous avons eu des concerts de Bruel, la vente des livres de Goldman en Tunisie… Est-ce à dire que ces derniers n’ont pas soutenu Israël? Personnellement je n’ai pas cherché à le savoir. Ils soutiennent Israël et une grande majorité des Tunisiens se dévoue corps et âme pour la cause palestinienne. Cela ne doit en aucun cas nuire aux relations de Tunisiens toutes confessions confondues entre eux et encore moins à détruire une image que nous avons de la peine à préserver à l’international. Pour rappel aussi, du temps où il y avait un attaché «commercial» (diplomatique) israélien en Tunisie après les accords d’Oslo, le gotha de l’intelligentsia tunisienne, opposition comprise, s’empressait de se rendre à sa demeure sise à Mutuelleville. Nous devrions peut-être creuser pour voir qui s’y rendait et sévir.

Si nous devions juger tout le monde rien que d’après certaines prises de positions, que devraient alors faire les Syriens que les Tunisiens de Daech ont massacrés, et quelle posture doit prendre la Syrie où des djihadistes tunisiens ont violé des femmes, fait commerce d’enfants et décapité des hommes?

Et pour l’histoire, Yitzhak Rabbin a reçu le prix Nobel de la Paix avec Yasser Arafat, le grand leader palestinien.

Recadrer les acteurs influents sur la scène publique

La raison d’Etat! C’est ce que doivent comprendre les responsables de l’UGTT. Et pour ce qui est de leur position par rapport à Boujnah, c’est un raz de marée de critiques à l’international que subira notre pays. Sont-ils prêts à en assumer les conséquences dans l’état de fragilité où se trouve aujourd’hui la Tunisie?

Quant au ministère de la Culture, nous aurions aimé qu’il ose, car si à chaque fois qu’il doit prendre une décision importante dans l’intérêt du pays, il doit satisfaire tout le monde, il perdra sur tous les fronts. La culture est universelle, elle n’a pas de nationalité et pas de religion.

Et si, comme exprimé dans le communiqué, le ministre doit «négocier» avec la société civile, il n’arrivera à rien. Il est ministre, il doit exercer ses prérogatives et assumer ses responsabilités. La société civile ne va pas se substituer à l’Etat.

Grands temps de remettre les choses dans l’ordre et de recadrer les acteurs influents sur la scène publique tunisienne. Et il n’est pas besoin de justifier le manque d’audace et la peur de l’UGTT par les changements advenus après le 14 janvier. Le contexte est différent, aujourd’hui il y a un gouvernement issu des urnes, permanent, et un Etat qui doit agir et non réagir.

A.B.A