Chronique d’un taximan : «Pourquoi ne pas exiger un niveau d’instruction minimum des futurs élus?»

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«Pourquoi ne pas exiger un niveau d’instruction minimum des futurs élus?». C’est la question que vient de me poser le chauffeur de taxi, lequel, s’étant rendu compte que j’étais journaliste, a engagé la discussion sur la chose publique dans notre pays.

Eh oui, le peuple tunisien, avec tous ses défauts, a beaucoup de qualités et parmi elles, la perspicacité et le bon sens. Et c’est peut-être parce que ses prétendus leaders ne le voient pas sous cet angle et ne respectent pas son intelligence qu’ils n’arrivent pas à tisser des rapports de confiance avec lui. Sauf peut-être en investissant pour acheter les «vendables» parmi les âmes corruptibles qui existent partout dans le monde ou pire encore mettre à profit la misère et la pauvreté des gens pour acheter des voix, ce qui constitue l’acte le plus méprisable qui puisse exister sur terre.

Deuxième question du taximen: «Pourquoi voulez-vous que ceux qui vont prendre des décisions vitales pour moi, ma famille, mes enfants et mon pays soient limités intellectuellement? Comment pouvez-vous imaginer une seconde que je puisse accorder ma confiance à un Gassas qui fait, à chaque fois, tout ce cirque à la Constituante? Aux autres, qui s’insultent publiquement donnant une piètre image des représentants du peuple ou encore à ceux qui ne savent même pas débattre des lois en prenant en compte nos besoins et ceux de notre pays? Pensez-vous que ces gens-là peuvent servir d’exemple pour mes enfants, alors que moi, qui n’ai même pas achevé mon cursus scolaire, réalise à chaque fois le degré de leur ignorance et leurs limites intellectuelles?»

Des questions tout à fait légitimes lorsque nous savons qu’il existe une grande partie de constituants qui ont été élus sur la base de programmes électoraux bidon et irréalisables tels ceux de Hechmi El Hamdi, fondateur d’Al Aridha Al Chaabia -métamorphosée aujourd’hui en «Tayar al Mahabba» qui avait promis monts et merveilles à des populations désarçonnées et vulnérables à l’intérieur du pays.

Hechmi El Hamdi, qui a poussé le ridicule jusqu’à promettre la gratuité des soins, l’octroi de subventions mensuelles de 200 dinars aux sans-emplois en échange de 2 jours de travail dans l’intérêt de l’Etat et la création de Diwan Al-Madhalim, une institution judiciaire indépendante où seront employés de nombreux diplômés du droit. Des promesses irréalisables, mais il y a toujours des crédules pour y croire et de jeunes députés qui le soutiennent tout autant…

Mais il n’y a pas que Hechmi El Hamdi qui a profité du désarroi du peuple de l’après-14 janvier, beaucoup d’autres l’ont fait, à commencer par Ennahdha qui s’est appropriée le programme socio-économique établi par Ben Ali et son équipe lors des élections 2009 en y introduisant quelques petites rectifications. Le but était de convaincre un électorat prédisposé à croire aux qualités des “envoyés de Dieu“ en matière de compétences, d’honnêteté et d’intégrité. Leur exercice du pouvoir a montré qu’il n’en était rien. Ce qui nous amène aux élus démissionnaires choisis sur la base des programmes électoraux proposés par des partis prétendument patriotes.

Des constituants qui sont tout d’un coup devenus indépendants, tel le député d’Ettakatol, Fayçal Jadlaoui, qui a annoncé sa démission officielle pour devenir tout d’un coup indépendant. Me Jadlaoui, réputé pour sa verve qui avait mené une cabale exprimant un nationalisme outrancier suite à la fuite calculée d’un document du ministère de l’Intérieur et qui crie à tue-tête qu’il est l’un des artisans de la révolution, ne montre pas beaucoup d’amour pour sa mère patrie, lui juriste, en principe respectueux des lois et de l’obligation de réserve des fonctionnaires publics*.

D’ailleurs, la révolution ou plutôt soulèvement, ce sont les jeunes et le peuple qui l’ont fait pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le nationalisme arabe ou la question identitaire. Loin de là, c’est ce qui fait qu’il était très peu convaincant, lors de sa cabale contre «une normalisation avec l’Etat sioniste» qui n’existe que dans sa tête… Il aurait dû user de son éloquence pour défendre les projets de loi économiques qui empêchent les jeunes diplômés de travailler…

En outre, un jeune taximan, qui a, lui aussi, étudié à la Faculté de droit, avait réagi en disant «Mais de quoi sont faits ces constituants et sont-ils réellement capables de défendre les intérêts de la Tunisie ou tout simplement bons à nous renvoyer des décennies en arrière en usant de clichés dépassés et surannés? Nous voulons que le tourisme reprenne “nhibboueddoulebydour“ (Nous voulons que la roue tourne). Nous voulons pouvoir assurer notre subsistance et celle de nos familles. Pourquoi font-ils tout pour bloquer tout redémarrage de notre économie alors que nous les payons de nos propres poches?»

Les élus? Dans leur grande majorité des déceptions et «massaibmtaltla» (Des calamités). Pourtant, ce que ne sait pas le pauvre taximan qui exigeait un niveau minimum d’instruction est que les élus de la majorité à la Constituante sont des «instruits» car presque tous diplômés du supérieur.

Leurs diplômes acquis grâce à la clairvoyance bourguibienne n’ont pas empêché leur endoctrinement. Et c’est ce qui fait du mouvement islamiste tunisien un mouvement dangereux car c’est celui des théoriciens et des démagogues. C’est ce qui fait aussi que nombre d’autres constituants soient aussi dangereux car dans leurs ambitions aveugles de se maintenir au pouvoir, ils sont capables de se lier même avec le diable y compris Ennahdha et ses tentacules CPR et Wafa.

La montée du terrorisme dans notre pays devrait inciter les futurs électeurs non pas à exiger des diplômes mais également des informations précises sur les parcours des futurs élus pour ne plus tomber sous la coupe des fous d’Allah et surtout de leurs propres intérêts et ambitions.