Une foule nombreuse s’est rassemblée jeudi, jour anniversaire de l’assassinat de Chokri Belaid, sur la grande place qui porte désormais son nom, à l’endroit et à l’heure où, il y a un an, jour pour jour, le militant de gauche tombait sous les balles de ses meurtriers.
Beaucoup de politiques, de même que des artistes et un grand nombre d’anonymes se pressaient devant le domicile du défunt, où un registre était mis à disposition pour recueillir les témoignages sur Chokri Belaid, l’homme et le dirigeant politique. Un amas de gerbes de fleurs était disposé sur le lieu précis de l’assassinat qui avait suscité une immense émotion dans le pays.
Plusieurs politiques ont, dans des déclarations à l’agence TAP, salué en Chokri Belaid « un adversaire de la violence sous toutes ses formes » et « un partisan du dialogue entre tous les protagonistes politiques » et « un défenseur des classes sociales précaires ».
Pour eux, l’assassinat de Chokri Belaid, le 6 février 2013, fut un « évènement majeur qui aura bouleversé durablement la donne politique dans le pays et revigoré les forces démocratiques et populaires en lutte », faisant remarquer que l’assassinat d’une autre figure de la gauche, le député Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013, allait « accentuer la pression populaire sur le gouvernement pour le contraindre à la démission, et sur l’Assemblée nationale constituante, en faveur d’une Constitution progressiste et démocratique ».
Et Zied Lakhdhar, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié et à ce titre successeur du martyr, de rappeler certains faits. La situation d’avant le 6 février 2013 se caractérisait par un climat de violence et par une vague de vindicte dirigée par les factions « takfiiristes » contre les adversaires politiques de tous bords, les créateurs et les intellectuels, a-t-il dit, précisant que l’assassinat de Brahmi, quelques mois plus tard, marqua un nouveau palier dans la détermination politique et la pression exercée sur le gouvernement.
C’est la formation d’une coalition politique et civile contre la violence et d’un front de salut après ces deux assassinats politiques qui a permis la réalisation d’un certain nombre d’objectifs, à l’instar de la démission du gouvernement et son remplacement par un gouvernement de technocrates, ce qui a eu pour effet de changer radicalement le cours des évènements et de redonner aux Tunisiens des raisons d’espérer, a-t-il ajouté. A la question de savoir où en est l’enquête sur les assassinats de Belaid et Brahmi, Zied Lakhdhar a indiqué que « l’affaire fait du sur-place et qu’aucun progrès n’a été enregistré, même pas après les récents évènements de Raoued ».
« L’affaire est tributaire d’une décision politique audacieuse qui puisse conduire à dévoiler les parties politiques qui avaient pris la résolution de liquider les deux dirigeants, mais aussi qui avaient planifié, financé et protégé les meurtriers », a-t-il dit. Parlant de la situation du PPDU, Zied Lakhdhar a indiqué que son parti avait « subi de plein fouet le contrecoup de la disparition brutale de son chef ».
Nous n’en sommes pas moins parvenus à lui emboîter le pas et à concrétiser son voeu le plus cher consistant à former un front politique élargi sous l’appellation de « Front du salut », sans compter la consolidation des positions du Front populaire sur l’échiquier politique, s’est-il réjoui. De son côté, le porte-parole du Front populaire, Hamma Hammami, s’est consolé du fait que « le sang de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, et celui des militaires et personnel sécuritaires tombés en martyrs n’aura pas été vain.
Ces assassinats, a-t-il dit, ont eu l’effet d’un électrochoc sur le peuple tunisien et surtout révélé au grand jour la gravité du terrorisme et de la violence au point de provoquer des mouvements populaires qui furent à la base du départ du gouvernement de la Troïka, de l’amorce d’une sortie de crise et de l’adoption d’une Constitution démocratique.
Quant au membre du bureau exécutif du Mouvement Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk, il a considéré que s’il y a un réconfort après les assassinats de Belaid et Brahmi, ce serait de faire toute la vérité sur ce double meurtre, d’éradiquer la violence, et, cerise sur le gâteau, de couronner les luttes des forces démocratiques par une victoire aux prochaines élections.
Rappelant de son côté que « la révolution tunisienne ne fut pas violente », la chroniqueuse Naziha Rjiba (Om Zied) a attribué au pouvoir en place la violence et la répression de cette période. « Les balles qui ciblent de nos jours les politiques, les policiers et les militaires ne manquent pas de nourrir nos craintes quant au destin et à la révolution de notre pays, au point que certains Tunisiens se montrent disposés à sacrifier leur liberté, « pourvu qu’ils puissent vivre en sécurité ».