La définition des violations et leur délai de prescription en point de mire

La discussion de la loi organique sur la justice transitionnelle a commencé ce mardi à l’Assemblée nationale constituante. La commission de législation générale et celle des droits, des libertés et des relations extérieures lui ont consacré leur réunion conjointe.

Pour la plupart des députés du groupe d’Ennahdha qui en ont fait par au cours de cette réunion, le projet de loi en question « n’est pas exhaustif et comporte maintes lacunes », en rapport notamment avec le champ de compétence de la commission « Vérité et dignité » dont le texte prévoit la mise en place, de même que la durée de ses travaux, la définition juridique des violations et leur délai de prescription.

La députée Hajer Azaïez (Ennahdha) a soutenu que les cas de violations énoncés par le texte sont « en-deçà des attentes de nombreuses victimes du despotisme » et le projet lui-même « ne doit pas se substituer à la loi d’immunisation de la révolution ».

Elle a aussi déploré que ce projet ne fasse la moindre mention des excuses devant être selon elle présentées aux victimes de l’arbitraire quand bien même la sollicitation du pardon fait partie intégrante du processus de justice transitionnelle. Le député Abdelaziz Chabaane (Ennahdha)pense lui aussi que la loi sur la justice transitionnelle ne doit pas rendre superflue celle de l’immunisation de la révolution ou d’autres textes, qu’il qualifie de « lois de criblage », se rapportant à des secteurs comme la magistrature, les avocats ou autres.

Une autre députée d’Ennahdha, Yamina Zoghlami, s’est interrogée sur la question de savoir si la circulaire 108 interdisant le port du « hijab » dans les administrations et les établissements d’enseignement peut ou non relever des violations graves. Elle a également demandé à savoir comment pourrait-on retrouver dans le projet de loi sur la justice transitionnelle les dispositions du décret-loi 98 relatif aux martyrs et blessés de la révolution et le décret-loi n°1 relatif à l’amnistie générale. De son côté, le député Skander Bouallègui (ancien Al- Aridha- sans étiquette) a critiqué la qualification des crimes de prévarication financière et de corruption administrative comme violations, y voyant le signe de l’absence d’une vraie volonté de demander des comptes à tous, sur un pied d’égalité.

Il y voie au contraire le signe d’une volonté de conclure un arrangement entre le gouvernement et les hommes d’affaires, au mépris des exigences de justice. Le député Slim Ben Abdesselam (groupe démocrate) a, lui, mis en garde contre la divulgation des archives, « au risque de porter atteinte à la vie privée des gens ». Par contre, il a préconisé de confier à des experts la mission de consulter les archives.

Le même député a également demandé à ce que soient écoutées les associations représentatives des victimes de violations parmi les islamistes, les activistes de gauche et les syndicalistes, de même que les associations des familles des martyrs et blessés de la révolution. Dans un tout autre registre, la député Mohamed Gahbiche (Groupe démocrate) a considéré que la date du 20 mars 1956 retenue comme point de départ du recensement des violations et abus commis « est abusive au regard de l’Histoire nationale et compte tenu du poids symbolique de la date de l’Indépendance du pays ».

Le financement du fonctionnement de la commission « Vérité et dignité » a alimenté lui aussi une partie du débat, en particulier en ce qui concerne les donations en provenance d’organisations internationales. Plusieurs députés ont, en effet, dit redouter que l’acceptation de telles donations n’entame la crédibilité de l’instance, d’autant, soulignent- ils, qu’il serait malaisé de prouver que telles donations ne sont ni conditionnées ni destinées à des fins particulières ». La réunion devait se poursuivre l’après-midi pour la présentation de propositions et autres remarques précises, le débat général sur le projet de loi ayant été mené à son terme.