Peut-on regarder la configuration actuelle du gouvernement tunisien sans y voir la main «bénite» de Mustapha Ben Jaafar, président de la constituante?
Tenez-vous bien, Lyes Fakhfakh, ministre du Tourisme, est un grand ami au fils même de Dr. Ben Jaâfar. Pareil pour Adel Fekih, binational et ambassadeur de Tunisie en France. Jaafar Kattech, PDG de la BNA, son neveu… Et enfin Chedly Ayari, nommé récemment gouverneur de la BCT, serait un ami intime à la famille Ben Jaafar, lié par alliance à travers sa femme cousine germaine de la femme du frère du sieur Ben Jaafar.
A ce propos, des bruits courent sur le fait que le président de la Constituante a mis sa démission sur la table pour forcer ses alliés à accepter la candidature de Chedly Ayari…Qui peut parler après cela d’une suite d’innocentes coïncidences…?
La partialité n’est pas qu’un héritage d’un ancien régime gangrené par le clientélisme. Nous la voyons aujourd’hui aussi bien au niveau de la Constituante représentée par Mustapha Ben Jaafar -qui brandissait les valeurs de l’intégrité morale et qu’on disait grand humaniste et ardent défenseur des Droits de l’homme et des libertés-, que dans le gouvernement où les amis ont été bien récompensés par des postes de conseillers politiques et autres aux plus hauts postes de l’Etat.
Main qui donne, main qui dirige…
Les institutions ne valent que par l’usage qu’on en fait. Et Mustapha Ben Jaafar serait passé d’un processus de concertation, de partenariat et de dialogue avec le gouvernement, à un processus de subordination de la Constituante, expression de la souveraineté du peuple. Il a enlevé toute crédibilité aux élus du peuple en facilitant leur manipulation par l’exécutif et en confortant leur allégeance par la main qui donne main qui dirige. En témoignent les récentes augmentations des salaires des députés face à la souffrance de catégories sociales dans la précarité. Choquant! 5.000 dinars par mois… il y a de quoi encourager plus d’un à prolonger l’écriture de la Constitution sur des années aux frais des contribuables…
Mustapha Ben Jaafar est coupable parce qu’il a mis fin au rêve d’un peuple de voir de véritables élus défendre ses intérêts en lui dédiant leur loyauté, à lui seul et à la Tunisie et pas aux partis et aux alliances politiques basés sur de vils intérêts comme nous le voyons et le vivons aujourd’hui.
Le peuple est aujourd’hui désillusionné parce que déçu des réalisations du gouvernement, déçu des positions de ses élus et du président de la Constituante.
Aucune position claire n’a été prise concernant le calendrier électoral, le démarrage des travaux de l’ISIE, la volonté manifeste de la part de la majorité d’insérer le Conseil supérieur islamique dans la Constitution. MBJ est allé même jusqu’à déclarer ne pas voir d’inconvénient à ce que la Tunisie soir doté d’un régime islamiste démocratique (sic)… Faisant ainsi monter la surenchère avec ses rivaux CPR au sein de la Troïka…
Le président de la Constituante ne peut prétendre être de bonne foi lorsque dans son désir de plaire à ses partenaires, il joue le tout pour le tout. Même ses «prétendus principes et valeurs» n’y résistent plus, son ambition prend le dessus…
Le président de la Constituante a tout intérêt à se racheter en prenant lui-même la défense des acquis progressistes de la Tunisie, du Code du Statut personnel et de l’indépendance des médias et de la justice. Il pourrait tout autant troquer son maintien à la Constituante contre la préservation de ces acquis comme il l’a fait pour imposer Chedly Ayari et c’est d’autant plus noble.
Noblesse! Ce terme a-t-il seulement un sens face aux appétits politiques démesurés des gouvernants?
Amel Belhaj Ali
Article publié sur WMC
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