Les membres du Conseil national des régions et des districts se réuniront vendredi 19 avril 2024 pour la première fois pour assister à la séance plénière inaugurale au siège qui lui a été réservé au Bardo (ancienne Chambre des conseillers) et ceci en application du Décret n° 2024-196 du 16 avril 2024, portant convocation des membres du Conseil national des régions et des districts pour assister à la séance plénière inaugurale.
Cette séance inaugurale est la dernière étape avant la mise en place du nouveau système législatif tunisien selon la vision de la Constitution 2022 dans son troisième Chapitre portant sur la fonction législative et qui stipule dans son article 56 “Le peuple, détenteur de la souveraineté, délègue la fonction législative à une première chambre représentative dénommée l’Assemblée des représentants du peuple, et à une seconde chambre représentative dénommée le Conseil des régions et des districts.”
Et si les membres de l’Assemblée des représentants du peuple ont été élus d’une manière directe au suffrage universel, les membres de la seconde chambre représentative, quant à eux, ont été élus sur plusieurs étapes, selon un processus électoral jugé par les experts en loi électorale “nouveau, long, et compliqué”.
L’élection des 77 membres du Conseil des régions et des districts a démarré par l’élection, au suffrage universel des conseils locaux, l’élection des membres des conseils régionaux et l’élections des membres des conseils des districts.
Un processus électoral compliqué avec plusieurs étapes
Après l’annonce des résultats définitifs des élections du Conseil national des régions et des districts, son adoption et sa publication au JORT, l’Instance Supérieure Indépendante des élections (ISIE) a achevé, selon une déclaration de son président Farouk Bouasker aux médias, le processus électoral démarré en septembre 2023 avec l’organisation des élections locales sur deux tours et la formation de 279 conseils locaux puis la mise en place de 24 conseils régionaux et 5 conseils des districts pour ensuite élire les membres du Conseil national des régions et des districts.
Représentant les gouvernorats et districts de la République, le conseil se compose de 77 membres, soit 3 membres pour chaque conseil régional et un membre pour chaque districts.
Compte tenu de la nature de ces élections, premières du genre en Tunisie, qui ont démarré, au niveau local dans de petites circonscriptions, la première phase de ces échéances a été jugée compliquée, selon les experts en loi électorale qui évoquent la faible participation dans les deux tours soit respectivement 11,84% et 12,44%.
Ensuite, l’opération du vote est devenue plus fluide avec l’élection de 24 conseils régionaux et 5 conseils des districts pour élire, en dernier ressort, les 77 membres du Conseil national des régions et des districts.
Même si la section 2 du chapitre portant sur “Le Conseil national des régions et des districts” de la constitution a défini le rôle de la seconde chambre représentative dans les articles 84 et 85, le législateur n’a pas détaillé d’une manière précise la mission du Conseil national des régions et des districts à l’instar de l’Assemblée des Représentants du Peuple.
La loi réglementant la relation entre les deux chambres, une priorité législative
En Tunisie, l’élaboration d’un texte de loi réglementant la relation entre les deux chambres parlementaires s’avère “indispensable”, avait déclaré le président Kais Saied aux médias.
Il a invité à s’inspirer des expériences comparées afin de mettre en place des mécanismes capables de régir la relation entre les deux chambres, tels que la commission mixte paritaire adoptée par beaucoup d’Etats à Parlement bicaméral.
Jusqu’à ce jour, aucune initiative n’a été présenté dans ce sens, selon affirmé le rapporteur de la commission du règlement intérieure à l’assemblée des représentants du peuple (ARP) Youssef Tarchoune.
Le parlement n’a reçu aucune initiative, ni la part de la présidence de la République ni du gouvernement, ni encore des députés.
Dans une déclaration à l’agence TAP, Tarchoune a expliqué que cette loi aurait du être prête avant l’ouverture des candidatures aux conseils locaux.
« Nous avons réclamé, à maintes occasions, l’élaboration de cette loi ainsi que d’une loi explicitant les prérogatives des conseils locaux et régionaux », a-t-il indiqué affirmant que ces conseils locaux font face à plusieurs entraves dans plusieurs régions en raison du « flou » autour de leurs compétences. Et d’ajouter, certains conseils locaux n’ont même pas de siège où se réunir.
Le vice président de la même commission parlementaire Hatem Houaoui a pour sa part fait savoir que l’ARP fait face à de grandes pressions sur le plan législatif. Houaoui a aussi souligné la nécéssité d’adopter cette loi dans les plus brefs délais, notamment après la mise en place de la seconde chambre parlementaire, afin d’éviter tout équivoque liée aux compétences des membres de chaque conseil. Il a, dans ce contexte, fait part de la disposition des députés de l’ARP à placer le projet en priorité absolue.
” Une loi dont l’esprit dépendra de la partie initiatrice”
Abderrazek Mokhtar, professeur de droit constitutionnel, a expliqué que le nouveau conseil est lié à une représentativité territoriale et politique, ce qui fait de lui un réel concurrent de l’ARP.
Joint par la TAP, le juriste estime que la partie initiatrice définira « l’esprit de la loi » et influera sur la nature du texte, « qu’elle soit la présidence de la République avec ses propres orientations ou l’ARP qui cherche encore son équilibre intérieur et extérieur en lien avec le président de la République ».
« Le texte de loi en question aura sans doute des spécificités inspirées de cette vision « particulière » du système bicaméral, a-t-il fait observer. Des spécificités liées à la nature d’un conseil qui est sensé représenter les collectivités locales et qui se transforme en une des composantes des trois pouvoirs de l’Etat et du système politique.
« L’administration des collectivités locales est une administration de services et non une administration politique, a-t-il soutenu, affirmant que « la politisation » des collectivités locales conduira à « un conflit de compétences » entre les deux chambres parlementaires.