La lettre politique de Ridha Belhaj, depuis sa détention à la prison de Mournaguia, à l’ordre des avocats, à l’occasion du 13e anniversaire de la révolution et du 40e anniversaire de l’insurrection du pain, condamne ce qu’il décrit comme “le silence troublant du doyen sur les persécutions infligées à lui-même, à ses collègues avocats, aux cadres de l’État et aux dirigeants politiques, soumis à l’oppression et à l’arbitraire”.
Voici le texte de la lettre :
“Au sieur doyen et à tous les membres du barreau national,
À l’occasion du 13e anniversaire de la révolution et du 40e anniversaire de l’insurrection du pain, je m’adresse en premier lieu à l’ensemble des collègues pour enregistrer avec amertume le silence troublant du sieur doyen sur les persécutions infligées à moi-même et à mes collègues, aux cadres de l’État et aux dirigeants politiques de différentes tendances, victimes de répression et d’arbitraire… Dix mois entiers et nous sommes en détention pour des accusations infondées sans preuves ni indices tangibles… Dix mois au cours desquels nous avons vu toutes les formes d’atteinte aux droits fondamentaux garantis par la législation tunisienne et le droit international des droits de l’homme, avec des perquisitions nocturnes répétées dans nos domiciles, la détention, l’émission de mandats d’arrêt sans audience, l’arrestation d’avocats en plein exercice de leurs fonctions, l’invention de charges sans présence sur les réseaux sociaux et leur utilisation comme prétexte pour l’incarcération. Le comble est que tout au long de cette période, d’anciens collègues, qui vous ont précédé dans cette profession sacrée, se sont battus pour promulguer la loi sur les avocats et imposer l’immunité de la profession, sont jetés en prison injustement, et nous n’avons pas entendu votre voix ni observé une position de votre part. Vous assistez, observez et entendez les pressions exercées sur le pouvoir judiciaire et les juges par des menaces et des intimidations, ainsi que les mauvais traitements infligés aux accusés sous forme de traînées et de diffamations dans des discours officiels et à un niveau élevé, sans réaction de votre part, comme si cela ne vous concernait pas.
Monsieur le doyen, la profession d’avocat n’est pas simplement un moyen de gagner sa vie, car elle implique la défense de la liberté d’opinion, d’expression, d’activité politique et le respect de la souveraineté de la loi. Au cœur de ses missions et de son histoire récente et lointaine, elle a vu naître les plus grands leaders du mouvement national, tels que le leader Habib Bourguiba et le leader Saleh Ben Youssef, qui ont dirigé la résistance contre la colonisation, ainsi que de nombreux anciens doyens et, à titre indicatif et non exhaustif, feu le doyen Fathi Zouhair malgré sa proximité avec le pouvoir à l’époque, le doyen Mansour Chefi, le doyen Abdel Sattar Ben Moussa, le doyen Abdel Jalil Bouraoui, le doyen Bachir Essaid, le doyen AbdeRazzaq Al-Kilani, aux côtés de nombreux collègues, dont certains sont décédés, qu’Allah leur fasse miséricorde, et d’autres sont toujours en vie, nous espérons qu’ils jouissent de la santé et du bien-être. Ils n’ont pas hésité et n’ont pas hésité à remplir leur devoir de s’opposer aux autorités post-indépendance et de résister à leurs dérives, en enregistrant une histoire honorable dans les procès de politiciens et de syndicalistes, et leurs plaidoiries sont devenues une référence dans la défense du droit et la lutte contre l’injustice.
Je tiens à souligner que mon appel à vous en tant que doyen ne vise pas à chercher une faveur particulière dans l’application de la loi, car je suis convaincu, comme tous mes collègues détenus arbitrairement, que notre innocence de toutes les accusations portées contre nous sera évidente. Mon appel vise plutôt à vous rappeler que c’est votre devoir de respecter l’engagement qui vous a été confié, qui est la lettre de l’avocature avec tout son symbolisme et ses significations, et que ce que nous demandons de votre part est de respecter le serment que vous avez prêté en tant que doyen, car en fin de compte, chacun de nous portera le fardeau de ses actions et l’histoire sera le maître des gouvernants.
Maître Ridha Belhaj.”