Tunisie – Politique : Pourquoi Chebbi s’en prend-il au président algérien Tebboune ?

Pourquoi l’opposition tunisienne conduite aujourd’hui par Ahmed Nejib Chebbi, une figure emblématique jadis, en perte de vitesse et de crédibilité aujourd’hui, s’offusque des positions du président algérien Abdelmajid Tebboune et applaudit les « procès » orchestrés à l’encontre de leur pays à Bruxelles, Strasbourg, aux Etats-Unis et un peu partout dans le monde ?

Quand on est souverainiste, quand on refuse l’ingérence des autres dans les affaires du pays, il faut être cohérent et la « consigne non » (sic) doit valoir pour tout le monde.
Et en l’occurrence, personne ne s’est soucié des nombreux recadrages américains s’inquiétant des dérives « autoritaires » du régime !

Personne ne s’est soucié des menaces du Congress américain, où les lobbys de l’islam politique sévissent. Des menaces pour réduire l’aide militaire à la Tunisie et reportant aux calendes grecques des financements tels ceux pour le réaménagement du Port de Rades et dont le montant s’élève à 500 millions de $ !

Personne ne s’est indigné de voir la Tunisie infantilisée aussi bien à Bruxelles qu’à Strasbourg où l’on considère le peuple, tout le peuple comme une victime du dérapage d’un régime qui menace la démocratie alors que tout au long d’une décennie, on ne s’est pas inquiété de la montée en flèche du terrorisme, de la mauvaise gouvernance, de la corruption, de la fragilisation des institutions et de la marginalisation des compétences !

Personne n’a critiqué l’interventionnisme éhonté de nombre d’ambassadeurs de puissances occidentales « amies » de la Tunisie dans le choix même des ministres et dans l’orientation des élections tout au long d’une décennie, du moment que cela allait dans le sens des intérêts du clan du 18 octobre et des nouveaux parvenus sur la scène politique tunisienne !

Tout récemment (13 avril) la commission des affaires étrangères de la commission européenne appelait « de toute urgence les Tunisiens à s’engager dans un dialogue tuniso-tunisien global et structuré, incluant des représentants du gouvernement, des partis politiques, des syndicats, de la société civile et des organisations féministes, car cette crise ne peut trouver de solution qu’avec la pleine participation de toutes les parties prenantes susmentionnées ». Tant mieux mais aucune figure politique n’a recadré la commission pour, prétendument interventionnisme dans les affaires de la Tunisie.

Les deux poids, deux mesures

Pourquoi les recadrer alors que leur seul mot d’ordre est « démocratie » ! Si seulement il suffisait de prononcer le mot pour en faire une réalité ! Comme si nous allions les croire sur parole alors que le pays considéré comme étant, auparavant, le plus éduqué du monde arabe est en train de se vider de ses cerveaux qui s’expatrient parce que ne pouvant plus supporter la médiocrité et l’incompétence des gouvernements « démocrates » qui ont vidé les caisses du pays !

Les démocrates européens s’inquiètent « des dérives du pays en matière de libertés publiques et de répression contre la presse et les syndicats » soit, ils devraient également s’inquiéter de la pauvreté, de la crise économique devenue endémique et de celle des Finances publiques.

Seul pays européen à en prendre réellement conscience l’Italie et pour de bonnes raisons ! Nejib Chebbi n’a pas pris ombrage des différentes déclarations d’Antonio Tajani appelant à aider et à soutenir la Tunisie de peur d’une immigration sauvage incontrôlable. Lui, qui estime, important de prendre conscience des risques : « Nous avons le devoir d’aider la Tunisie, qui doit faire en parallèle les réformes nécessaires. Il a aussi prévenu : « Ce qui est certain c’est que nous ne pouvons perdre de temps, sinon nous risquons de favoriser les Frères musulmans ».

Donc qu’un pays européen parle de la Tunisie et intervienne dans ses affaires ne dérange pas Nejib Chebbi mais les propos de Tebboune le révoltent !

En fait, qu’a dit Tebboune que n’ont pas dit les amis occidentaux de Chebbi et Co, outre l’épisode complot à l’encontre de la Tunisie et qui pourrait, d’ailleurs, se justifier dans les faits ?

Il a déclaré que ce qui se passe en Tunisie est une affaire intérieure et que l’Algérie est solidaire de la Tunisie et ne permettra pas son effondrement ?

La Tunisie ne représente-t-elle pas pour l’Algérie voisine un enjeu géostratégique de taille, car si instable politiquement et vulnérable économiquement, toute dérive représente une menace potentielle pour elle ?

Et pourquoi Chebbi ne s’est pas fâché lorsque Alger jouait le médiateur entre l’homme le plus haï par les Tunisiens Rached Ghannouchi et le régime en place ? Ou encore lorsque Ghannouchi était accueilli à bras ouverts par Boutflika alors président de l’Algérie ?

Quel est le problème de Chebbi ? Aurait-il souhaité que l’Algérie l’accueille et lui assure son soutien dans son combat, pas aussi désintéressé que ça, contre le président Saied ?

Lorsqu’on pose la question à des observateurs de la scène politique algérienne sur les visées de Tebboune, la réponse est : « Tebboune est réellement concerné par la stabilité de la Tunisie, apprécie le président Saied et est sincère lorsqu’il dit vouloir aider son voisin immédiat ».

De ce point de vue, même si, s’agissant de l’Algérie, les attentes des Tunisiens sont grandes, rappelant qu’en l’espace d’une année, l’Algérie a versé au trésor tunisien plus de 700 millions de $ sous formes de prêt et en partie de dons.

Mourad Adjal, président directeur général du groupe Sonelgaz, a déclaré à maintes reprises que l’Algérie est prête à augmenter ses exportations en électricité à la Tunisie. Il y a moins d’une année, il annonçait : « l’Algérie qui exporte quotidiennement plus de 500 mégawatts d’énergie électrique vers la Tunisie, pays frère, était prête à augmenter les quantités d’électricité exportées en cas de hausse de la demande » et cela n’a pas manqué puisque les besoins de la Tunisie ont augmenté de 167%.

Reste que la meilleure union entre les pays qu’ils soient voisins immédiats ou amis lointains est économique et entre l’Algérie et la Tunisie, beaucoup reste à faire sur le plan économique.

Tunisiens et Algériens peuvent construire une union économique bénéfique pour les deux pays loin des postures chauvinistes des uns et des autres et c’est possible surtout si on y associe la Libye qui a plus que jamais besoin de ses voisins immédiats !

Sur un tout autre volet, les Tunisiens espèrent aussi une grâce présidentielle pour deux de leurs compatriotes qui se sont aventurés à s’approvisionner en produits alimentaires en Algérie et ont été condamnés à 5 ans de prison.

Amel Belhadj Ali