Le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) Anas Hmaidi a de nouveau appelé le gouvernement et les parties judiciaires saisies des dossiers disciplinaires de treize magistrats, dont Taïeb Rached Béchir Akremi, à divulguer le contenu du rapport de l’inspection générale du ministère de la Justice et les chefs d’accusations dont font l’objet les magistrats concernés.
Lors d’une conférence de presse tenue vendredi, au palais de la Justice à Tunis, Hmaidi a appelé le ministère de la Justice à ne pas s’ingérer dans le travail des Conseils et des instances judiciaires saisis de ces affaires.
Le rôle du ministère se limite à fournir les conditions favorables pour l’examen de ces dossiers loin de toute pression, a-t-il estimé.
Dans ce contexte, le président de l’AMT a exhorté le Conseil de l’ordre judiciaire à ne pas céder aux pressions et à ne pas allonger les délais pour statuer sur ces affaires, appelant le juge d’instruction à travailler dans le cadre de l’impartialité et de la transparence.
Hmaidi s’est dit étonné de la décision de la ministre de la Justice par intérim et sa demande de récupérer le rapport de l’inspection générale du ministère.
“Cette demande est suspecte et laisse entendre qu’il y a une tentative d’ingérence de l’autorité exécutive dans la justice”, a-t-il conclu.
Il a, dans ce sens, exprimé son appréhension quant à une volonté d’annuler les sanctions disciplinaires.
Le président de l’AMT a, en outre, regretté que les magistrats qui rejoignent le pouvoir exécutif “soient instrumentalisés par les gouvernements dans le but de frapper le pouvoir judiciaire”.
A noter que cette affaire dans laquelle sont impliqués treize magistrats a été déclenchée suite à un échange d’accusations entre le premier président de la Cour de cassation Taïeb Rached et l’ancien procureur de la République près le tribunal de première instance de Tunis Béchir Akremi.
Taïeb Rached accuse Béchir Akremi d’avoir dissimulé des preuves importantes dans les dossiers de l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ce qui a contribué, selon lui, à faire obstruction à la justice et à ne pas révéler la vérité sur l’assassinat des deux martyrs.
De son côté, Béchir Akremi accuse Taieb Rached de corruption financière et de possession de biens non déclarés.
Ces accusations ont suscité l’intérêt de l’opinion publique notamment après la décision du Conseil de l’ordre judiciaire, suite à l’examen du rapport de l’Inspection générale de la justice, de ne pas traduire les magistrats concernés devant le parquet.
Le Conseil de l’Ordre judiciaire avait décidé de saisir le conseil de discipline des dossiers disciplinaires qui lui ont été soumis par la ministre de la Justice par intérim concernant plusieurs magistrats dont Taieb Rached et Béchir Akremi.
Le Conseil de l’ordre judiciaire a également décidé de déférer les dossiers des suspects hors secteur judiciaire au Tribunal de première instance de Tunis.
Le 24 février 2021, la ministre de la Justice par intérim a adressé une correspondance au Conseil pour demander la récupération du dossier de l’Inspection générale et de la décision de traduire un certain nombre de magistrats devant le conseil de discipline ainsi que l’annulation de cette décision.
S’agissant de l’accord conclu, le 18 décembre dernier, entre l’AMT et le gouvernement, Hmaidi a fait savoir que l’Exécutif n’a mis en œuvre qu’un seul point des termes de l’accord. Il s’agit du point relatif au versement de financements supplémentaires pour la mutuelle des magistrats, a-t-il précisé.
A cet effet, il a appelé le chef du gouvernement à faire preuve de plus de sérieux à l’égard du dossier du pouvoir judiciaire et à mettre en œuvre tous les termes de l’accord dans les délais convenus qui expirent à la fin du mois de mars.