Tunisie – Justice transitionnelle : 205 affaires soumises aux chambres spécialisées

Les chambres spécialisées dans la justice transitionnelle examinent actuellement 205 dossiers déposés par l’Instance Vérité et Dignité (IVD), a indiqué, lundi, Khayem Chemli, représentant de l’association Avocats Sans Frontières (ASF).

Ces dossiers regroupent 69 actes d’accusation et 131 décisions de renvoi des affaires qui n’ont pas pu être traitées par l’instance.

Lors d’une conférence de presse organisée par l’Association des magistrats tunisiens (AMT) pour présenter un rapport commun intitulé “Pas de réconciliation sans justice: Bilan et perspectives des chambres criminelles spécialisées en Tunisie”, Chemli a précisé que l’IVD a transféré 200 dossiers mais les chambres spécialisées examinent 205 après la disjonction de certaines affaires et la fusion d’autres, en fonction des liens entre les victimes, les témoins et les prévenus.

“Les audiences de la justice transitionnelle se sont poursuivies pendant deux ans sans résultat clair. Aucun jugement n’ayant été rendu”, a-t-il rappelé.

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L’observation des procès a révélé que 3 audiences ont été consacrées à 43 dossiers, tandis qu’une audience seulement a été consacrée à 83 affaires.

Anas Hmadi, président de l’AMT, a évoqué les difficultés rencontrées par les chambres spécialisées dans la justice transitionnelle, telles que la présence des prévenus à l’audience et les mouvements judiciaires consécutifs qui ont vidé les chambres des spécialistes de la justice transitionnelle.

“Aucune affaire de justice transitionnelle n’a été tranchée, notamment celle du bassin minier”, a-t-il déploré.

De son côté, Oussama Bouajila de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a dénoncé les absences fréquentes des accusés devant les chambres spécialisées malgré la présence en masse des victimes, ce qui a entravé le cours des affaires.

Il a, cependant, cité les quelques prévenus ayant assisté aux audiences, à l’instar de l’ancien ministre de l’Intérieur, Abdallah Kallel, l’ancien responsable de la garde présidentielle, Ali Sériati, et l’ancien directeur de la sécurité militaire, Mohamed Farza.

Pour sa part, Kalthoum Kannou, représentante de la Commission internationale des juristes (CIJ), a évoqué les défis relatifs à l’enquête dans les affaires renvoyées devant les chambres spécialisées. En effet, l’IVD n’est pas parvenue à rassembler les preuves et indices en raison du manque de coopération du corps sécuritaire, a-t-elle ajouté.

Les participants à cette conférence ont, par ailleurs, souligné la nécessité pour les autorités judiciaires dont le Conseil supérieur de la magistrature de prendre les mesures nécessaires pour appuyer le travail des chambres criminelles et veiller à garantir la stabilité des magistrats opérant dans les chambres spécialisées dans la justice transitionnelle.

Ils ont, aussi, proposé la création de chambres criminelles en justice transitionnelle au sein des cours d’appel.

Selon un communiqué publié par les organisateurs, ce rapport commun est le fruit de deux années de travaux communs d’observation des procès devant les chambres criminelles spécialisées.

Des recommandations précises sont proposées aux pouvoirs judiciaire et exécutif afin de consolider le processus judiciaire en cours et lui permettre d’aboutir à des résultats concrets, dans le respect des standards nationaux et internationaux du procès équitable.