“Les avocats ne resteront pas les bras croisés devant les tentatives de certaines parties d’avoir une influence négative sur l’indépendance de la magistrature”, a déclaré, mercredi, le bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT), Brahim Bouderbala.
S’exprimant lors d’une conférence de presse tenue, mercredi, à la Maison de l’avocat à Tunis, Bouderbala a souligné que le barreau respecte l’institution sécuritaire et le rôle qu’elle assume. Car, souligne-t-il, “sans sécurité et un pouvoir judiciaire indépendant le chaos régnera dans le pays”.
S’agissant de l’affaire de l’agression de l’avocate Nesrine Garneh au commissariat d’El Mourouj 5 à Ben Arous, le bâtonnier de l’Ordre des avocats a estimé que “les agents de sécurité n’ont pas fait preuve de professionnalisme digne d’un Etat démocratique.”
Et d’ajouter, que l’Ordre des avocats avait demandé à l’institution sécuritaire de traiter l’affaire d’une manière administrative mais cette dernière n’a pas donné suite à cette requête.
Il a dit réprouver le traitement réservé à cette affaire. “Les sécuritaires devraient être les premiers à donner une bonne image de l’Etat, étant donné qu’ils sont en contact direct avec les citoyens”, a-t-il fait valoir.
Le bâtonnier des avocats de Tunisie a dit regretter l’incident qui s’est produit, le 9 octobre courant, au tribunal de première instance de Ben Arous. Selon lui, la présence de sécuritaires portant leurs armes aux alentours du tribunal a complètement influencé le cours du travail du juge d’instruction en charge de l’affaire.
“L’Ordre des avocats fera face, par tous les moyens juridiques, à ceux qui tentent de porter préjudice au barreau tunisien”, a-t-il averti, soulignant l’impératif que le corps sécuritaire soit républicain “au vrai sens du terme”.
Sur un autre plan, Bouderbala a exhorté l’institution judiciaire à défendre l’indépendance du secteur, estimant qu’il est grand temps de réexaminer toutes les questions en relation avec la magistrature, étant donné que son rôle consiste à rassurer toute la société à travers des révisions “courageuses”.
Il a fait part d’un désaveu général à l’égard du rendement des institutions sécuritaire et judiciaire, en imputant au pouvoir politique la responsabilité de cet état de fait et en mettant en cause le peu d’intérêt accordé à l’infrastructure et au cadre administratif dans le secteur judiciaire.
Revenant sur l’affaire de l’avocate Garneh, le bâtonnier des avocats de Tunisie a fait valoir que les vidéos prouvent qu’elle avait été agressée et que son téléphone portable a été confisqué pendant plus de deux heures. Malgré ces images l’accusé a bénéficié de son droit de défense sans aucun dépassement de la part des avocats, a-t-il ajouté.
Des correspondances ont été adressées au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ainsi qu’aux ministres de la Justice et de l’Intérieur en vue d’aborder cette affaire, a-t-il fait savoir.
Par ailleurs, le bâtonnier des avocats a indiqué que l’ordre national des avocats a décidé de créer un observatoire pour recenser les atteintes commises contre les avocats et les droits privés des citoyens, et ce, selon ses dires, dans l’esprit de la mission sociale qu’assume le barreau.
Le barreau a décidé aussi de déposer une plainte auprès du ministère public compétent, contre le syndicat régional des forces de sécurité intérieure de Ben Arous, pour abus de pouvoir et atteinte à la sûreté publique.
Il a été également décidé d’observer, le vendredi 16 octobre, une grève générale des avocats et d’organiser une marche de protestation du palais de la justice jusqu’au palais du gouvernement à la Kasbah.
L’affaire remonte au 4 août dernier, lorsque l’avocate Nesrine Garneh avait informé l’Ordre des avocats avoir été malmenée, frappée et séquestrée à l’intérieur d’un bureau du poste de police d’El Mourouj 5 par le chef du poste de police et son adjoint, alors qu’elle accompagnait son client pour qu’il soit entendu comme victime.
Plusieurs sécuritaires appartenant aux différents corps se sont réunis en grand nombre devant le siège du tribunal de première instance de Ben Arous, parallèlement à un rassemblement d’avocats à l’intérieur de l’édifice. Plusieurs observateurs estiment que cette présence de part et d’autre, vise à mettre la pression et influencer le cours de la justice.