Le comité directeur de la 21ème édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC2019) a consacré un hommage à la troupe de théâtre de Gafsa en présence d’un grand nombre d’hommes de théâtre de différentes générations qui ont livré leur témoignages sur leurs expériences dans cette troupe la deuxième du théâtre tunisien après celle du Kef. En effet, la création de la troupe de théâtre de Gafsa en 1972 répondait de fait à un besoin.
Un besoin de culture, de savoir, de divertissement voire d’évasion. Depuis sa naissance dans la Grèce antique, le théâtre est devenu au fil des siècles et des millénaires une source de divertissement incontournable dans la société. Il permet d’inviter un public à regarder, écouter et partager un sujet ou une situation mise en scène. Il s’agissait d’éduquer, de cultiver, de former et de transformer la société. Le théâtre permet ainsi de moduler la société à travers le développement de l’individu et de transmettre les valeurs citoyennes.
La troupe de théâtre de Gafsa a, de ce point de vue, joué un rôle important. Elle a permis de rassembler un grand nombre de personnes autour d’un rêve devenu réalité. Et pourtant, sa création n’a pas été de tout repos. Comme le rappelle l’homme de théâtre, dramaturge et cinéaste Fadhel Jaziri, il a fallu que Mohamed Raja Farhat fasse intervenir des artistes qui ont pouvoir à l’instar de Zoubeir Turki ou encore Mahmoud Messadi pour que le projet prenne forme.
” Nous nous sommes retrouvés dans un garage, onze personnes à dormir par terre dans les couloirs construisant nos décors avec trois fois rien. Et pourtant Mahmoud Messadi le ministre de la culture de l’époque, n’a jamais hésité à faire le déplacement ne serait-ce que pour assister à nos répétitions. ”
Modérant cet hommage, le professeur émérite Ezzedine Abaassi a rappelé le travail accompli par ces hommes et femmes de théâtre qui, à partir de rien, ont bâti une institution de renom. Il fallait que des artistes se rassemblent pour pourvoir donner vie à des pièces et à cette troupe. Ils répondront aux noms de Mohamed Driss, Raja Ben Ammar, Raouf Ben Amor, Fadhel Jaibi, Fadhel Jaziri, Raja Farhat…artistes en herbe qui, malgré la précarité de leur situation et l’absence d’infrastructure adéquate, retroussent leurs manches et se mettent au travail. Gafsa et sa région n’est pas connue pour son huile d’olive ou son phosphate mais bel et bien par sa troupe. Ces artistes engagés seront ainsi parmi les premiers à militer en faveur de la décentralisation culturelle.
Sous le coup de l’émotion Jalila Baccar prend la parole et pousse un coup de gueule : ” Le théâtre est un travail collectif ou ne l’est pas. Le théâtre a été pour moi une école. Et à travers cette école j’ai appris la vie. Pourquoi dans notre pays, aujourd’hui encore n’accorde pas la place qui leur est due à tous ces artistes, hommes et femmes, qui ont donné naissance à toutes ces œuvres dans la douleur ?”. Pointant du doigt les photos d’époque projetées sur l’écran, elle demande aux personnes présentes dans la salle : ” Est-ce là toutes les seules photos qui nous restent ? Est-ce là tout ce qui reste de notre travail ? Quelle tristesse “.
Avec humour et nostalgie, la comédienne de talent Latifa Gafsi rappelle l’importance qu’a jouée la troupe dans sa vie. Et la grande fierté qu’elle en tire.
Avec la troupe régionale du Kef crée en 1967, la troupe de théâtre de Gafsa a marqué l’histoire par ses créations. Ceux qui l’on fondé ont compris que faute de moyens, c’est le texte, la narration et ce que chaque comédien et chaque comédienne avaient à apporter qui faisait l’attrait et l’importance d’une pièce.