[Chronique] – Notre liberté ne souffrira ni déconfiture ni revers !

En ces temps où la Kasbah de Tunis est devenue un “camp de concentration“, entourée de clôtures et de fers forgés ! Où ce qui fut, pendant des décennies de dictature, une belle esplanade à franchir pour atteindre les souks et les parcourir, est devenu une petite forteresse gardée, et où on ne peut plus bondir ! Interrogeons-nous : pourquoi liberté et lumière sont obscurcies par notre obsession sécuritaire ?

En ces temps où la deuxième République a fait du siège du Premier ministère “un camp de concentration“ des pouvoirs, des forces de l’ordre mais aussi -et à certains degrés- de la bêtise humaine et de nombre d’ignares ! La bêtise humaine illustrée par la gestion malencontreuse des Affaires de l’Etat et l’incapacité de ceux qui se prétendent patriotes à répondre aux vœux du peuple, aux impératifs d’un Etat de Droit, au respect de son autorité et à l’importance de ses devoirs, demandons-nous pourquoi, dans notre Tunisie, il y a des meneurs mais pas de leaders ?

En ces temps où la concentration des pouvoirs a laissé place à l’émiettement des pouvoirs entre partis politiques, lobbys affairistes, syndicats et médias sans savoir ! Où ministres et hauts responsables s’inclinent faisant fi de la survie de l’Etat et du bien-être du peuple pour sauver leurs sièges et leur faire valoir, inquiétons-nous de la victoire de l’opportunisme, de l’allégeance, de la lâcheté et du mercenariat sur la patrie et son étendard !

En ces temps où toutes les libertés sont permises, y compris celles de corrompre et d’être corrompus, celles de voler sans être interrogés, celles de trafiquer sans être sanctionnés, celles de mentir sans être interpellés, celles d’enfreindre les lois et garder sa liberté, celles de promettre sans réaliser, celles de chômer et d’être payés, celles d’agresser sans être tourmentés ! Alarmons-nous de l’absence des valeurs et des visionnaires !

En ces temps où Tunisiennes et Tunisiens vivent cloîtrés sur Facebook, dans les bars, les restaurants, les mosquées et même dans les soirées, demandons-nous pourquoi autant de torpeur dans un pays qui ne cesse de crier sa douleur !

Que reste-t-il de cette Tunisie qui fut jadis la porte magique de l’Afrique et sa lumière ?

Que reste-t-il au pays dont l’odeur du jasmin a enfanté le goût du sang, celui de ses enfants, des enfants de la Syrie et de la Libye ?

Des silhouettes vêtues de noir niant le corps et se complaisant dans l’hypocrisie des faux religieux et missionnaires ? De longues barbes et des tenues afghanes ?

Un peuple qui crie “famine“ et des jeunes qui parlent encore de “dignité et d’honneur“ dans une Tunisie où les valeurs perdent de leur saveur ?

Il nous reste un pays que nous aimons et une jeunesse pleine d’ambition, de créativité et d’espoir !

Il nous reste le droit de nous exprimer et de crier haut et fort que notre liberté ne souffrira ni déconfiture et ni revers ! Et n’en déplaise à « Meem* » sa maîtresse et ses sbires, qui veulent tuer en nous la parole, pour nous, c’est une victoire !

Il nous reste la foi et notre force de croire que la Tunisie sera toujours terre de beauté, de progrès et de lumière !

Il nous reste notre ténacité et notre volonté de vaincre obscurantistes, traîtres, mercenaires et désespoir !

Il nous reste la liberté d’être, d’agir, de réagir et d’avancer malgré la montée de l’ignorance, du populisme, de l’intolérance et de la fausse ferveur !

Finie la peur ! Point de terreur ! Nous sommes ceux bénis par « la Terre » d’Al Chabbi dans sa « Volonté de Vivre » !

Nous ne serons pas ces morts que les cryptes garderont grâce à la tendresse maternelle de la terre !»

Nous ne serons pas «ces oiseaux morts que le ciel ne garde pas» !

Nous ne serons pas «ces fleurs fanées que les abeilles ne butinent pas» !

Nous serons ces « ambitieux prêts à affronter tous les dangers »

Nous serons ceux qui ne se contentent pas de « mener une vie morne, comme les pierres ».

Car nous sommes ce « monde vivant, qui aime la vie et méprise les morts »

Amel Belhadj Ali

* Meem : nom du Magazine de Soumaya Ghannouchi, fille du président du parti islamiste Nahdha

N.B : les dernières lignes sont tirées du poème d’Abou Al Kacem Al Chabbi : La Volonté de vivre.