Tunisie – Diplomatie  : Monsieur le Président, on ne charge pas un chef de gouvernement de messages écrits 

Serait-ce en conformité avec la sunna et éclairé par les préceptes de notre prophète, Mohamed, que Kaïs Saïed, le président de la REPUBLIQUE tunisienne, a lancé le made in Tunisia : charger Youssef Chahed, chef du gouvernement, de transmettre des messages écrits à ses homologues ?

Rappelez-vous les lettres envoyées par le prophète à Al Muqawqis souverain d’Egypte à Héraclius, César de Byzance, à Khosro II, empereur de Perse, à Négus d’Éthiopie, à Harith Gassani, gouverneur de Syrie, et Munzir ibn Sawa Al Tamimi, souverain de Bahreïn, les appelant à rejoindre sa foi et se convertir à l’islam. Les temps sont de loin différents et on ne peut nullement comparer quiconque au prophète. Il n’en demeure pas moins que même si près de 15 siècles nous séparent de l’ère des conquêtes arabo-musulmanes, la démarche est la même.

Notre président de la République, élu au suffrage universel direct, mode de désignation lui conférant une légitimité démocratique sur cinq ans mais non doté de l’étendue des pouvoirs dont jouit le chef du gouvernement de par les larges prérogatives que lui confère la Constitution, semble avoir décidé d’instaurer de nouvelles règles dans la gestion des affaires de l’Etat et des relations de la Tunisie avec la communauté internationale.

Ainsi, alors que le chef de l’exécutif doit plancher aujourd’hui sur la gestion des démissions des ministres dans l’attente de la constitution du nouveau gouvernement, de l’examen du budget de l’Etat avant de le soumettre à la nouvelle ARP et préparer la relève, si pas reconduit, pour son prédécesseur, notre président, lui, le charge, à chaque fois, de transmettre une lettre à l’un de ses homologues.

La première, au président algérien par intérim, Abdelkader Bensalah (7 novembre) en préparation d’une possible prochaine visite de Kaïs Saïed en Algérie. Fort heureusement, à l’occasion, Youssef Chahed a eu à discuter de la question sécuritaire assez préoccupante pour les deux pays.

La deuxième à Emmanuel Macron auquel il remettra une deuxième lettre pendant son séjour à Paris, pour assister au forum sur la paix qui se déroule les 12 et 13 novembre.

Youssef Chahed transmettra aussi une lettre manuscrite de Kaïs Saïed à son homologue italien, Sergio Mattarella, mardi 12 novembre, et portant sur le renforcement des relations bilatérales entre les deux pays.

«Même si techniquement, nous explique un diplomate de carrière, un président peut faire ce qu’il veut et charger qui il veut d’assurer n’importe quelle mission, il n’est pas d’usage de charger un chef de gouvernement, qui plus est, doté de presque tous les pouvoirs de par la Constitution, de transmettre des messages écrits. Le président est censé entretenir des rapports de confiance avec le chef de l’exécutif et les messages qu’il transmet sont généralement verbaux.

Dans les us de la diplomatie internationale, il est généralement d’usage de charger le ministre des Affaires étrangères de faire parvenir aux présidents les messages écrits».

D’ailleurs, de l’histoire de la Tunisie, jamais nous n’aurions vécu pareilles pratiques !

Et donc…

Kaïs Saïed adoptera-t-il dans les prochains mois le mode “président de la Tunisie“ avec ce que cela implique comme autorité de l’Etat, prestige, cérémonial, protocole et hautes responsabilités envers un pays et une nation ? Ou se suffira-t-il du cappuccino dans son café habituel, des embrassades avec les citoyens et des accolades, sincères, peut-être, avec les jeunes mais sans décisions réelles et sans actes concrets pour améliorer leur vie ?

Lorsque nous ne sommes pas dans la logique populiste, ce que nous attendons d’un président est de prouver qu’il peut tenir un pays et le gérer. Qu’il peut s’imposer au national en tant que référence pour solutionner les problèmes qui peuvent paraître insolubles et trouver des portes de sortie et qu’il peut le représenter comme il le mérite et comme il se doit à l’international.

Un président a le devoir de porter les espérances de ses concitoyens et la voix de son pays dans le monde. Ce devoir doit se traduire par des actes !

Il est peut-être trop tôt pour se prononcer, mais nous ne serons pas au bout de nos surprises avec Kaïs Saïed, l’élu aux mains propres !

A.B.A