Tunisie : Kaïs Saïed, le candidat à “la parole rare”

Il a été le premier à se déclarer candidat à la présidentielle de 2019. Sa motivation : l’appel du devoir, un sens profond de la responsabilité et la volonté de transformer la frustration en espoir.

Il est le candidat atypique qui a choisi de limiter ses apparitions dans les médias et de faire cavalier seul dans sa course au Palais de Carthage. Kaïs Saïed, portrait d’un candidat insaisissable.

Candidature en cavalier seul

Sans financement public, ni publicité politique, sa campagne électorale, qui reprend le slogan de la révolution “le peuple veut…”, s’est fait à petit budget “avec les moyens de bord et la volonté des jeunes”, a-t-il dit.

Par principe, mais aussi pour éviter les manipulations, je n’accepterai aucun millime d’aucune partie, a-t-il déclaré. “L’énergie pour la Tunisie est plus porteuse que l’argent”.

Tout au long de ces derniers mois, cet universitaire fraîchement retraité a parcouru des centaines de kilomètres à la rencontre de la population, de la jeunesse surtout, pour faire connaître son projet de politique alternative.

“Ce n’est pas une campagne électorale que j’ai menée, mais une campagne explicative pour présenter ma vision et écouter les jeunes”, ne cesse-t-il de clamer.

Pour lui, “la réorganisation politico-administrative de la pyramide du pouvoir” est plus que nécessaire. Il faut inverser la tendance et aller du local vers le régional et en finir avec le pourvoir central, pour répondre aux volontés et aux attentes non satisfaites des Tunisiens.
“Le temps est venu, pour les politiciens, de s’autocritiquer et de mettre en place de nouveaux mécanismes qui permettent à ceux qui gouvernent d’exprimer la volonté populaire”.

Kaïs Saïed caracole en tête

Enigmatique, mystérieux, à la parole rare, il ne rate cependant aucune occasion pour fustiger “une classe politique soucieuse de ses privilèges” et pour démontrer une volonté d’en découdre avec le système en favorisant la décentralisation. Pour lui, “le changement institutionnel peut ouvrir la voie au règlement des problèmes économiques”.

Il est arrivé en tête de classement au premier tour de la présidentielle, le 15 septembre dernier. Ce juriste apartisan s’est fait connaitre auprès des Tunisiens, au lendemain de la révolution, par ses interventions remarquées dans les médias, en tant que spécialiste en Droit constitutionnel, ainsi que par son profil atypique.

Selon certains observateurs, cette visibilité médiatique a contribué à faire figurer son nom parmi les personnalités présidentiables, dans les sondages, et a fait de lui une personne sérieuse et crédible que d’aucun qualifie d’honnête et d’austère.

Considéré comme différent des autres politiques, autant par ses sympathisants que par ses rivaux, Kaïs Saïed, 61 ans, donne l’impression de venir d’une autre réalité.

Le candidat mystère

Son visage flegmatique, sa voix grave et saccadée et son ton incantatoire, toujours en arabe littéraire, lui ont valu le surnom de “Robocop”, le justicier mi-homme, mi-robot. L’impassible Kaïs Saïed intrigue…

Pour ses détracteurs, Kaïs Saïed, secret, peu souriant, est une personnalité difficile à cerner qui, parfois, suscite la méfiance et la suspicion. Certains parmi eux agitent le spectre de l’islamisation de la Tunisie et le taxent d’ultraconservateur avec une idée politique “utopique et dangereuse” et des affinités avec les salafistes.

Ils lui reprochent, également, ses prises de position vis-à-vis de l’égalité successorale, la dépénalisation de l’homosexualité, de la consommation de cannabis ainsi que de l’abolition de la peine de mort qui ne manquent pas de laisser pour le moins perplexes.

Fidèle à son image de candidat atypique, Kaïs Saïed a décidé, lors du deuxième tour, de ne pas faire campagne pour “des considérations morales” et pour lever toute équivoque concernant le principe de “l’égalité des chances entre les candidats”.

“Je ne ferai pas personnellement campagne, et ce en dépit de ma profonde conviction que l’égalité des chances devrait être plutôt appréhendée par rapport aux moyens dont dispose chaque candidat”, a-t-il dit

Cette initiative qualifiée d’”originale”, par certains observateurs, vient renforcer “l’image de droiture” dégagée par le candidat discret et silencieux qu’est Kais Saied.Pour ses partisans, cela est perçu comme “un geste noble” de sa part, mais pour ses adversaires il s’agit d’un “coup de com”.

Aux yeux de nombreux Tunisiens, Kaïs Saïed demeure un candidat mystère et une personnalité insaisissable. Et bien malin qui saura prédire l’avenir politique de cet homme.